Course (09/11/2017)

Accélération…
Mes jambes vont-elles encore me porter ?
Les poumons me brûlent !

Encore, encore un effort, un peu, beaucoup
C’est la dernière côte, il faut accélérer
Malgré l’extinction du souffle
L’évanouissement des sensations

Je ne suis plus qu’un serpent qui court
Dans l’air respiré en saccade…

Allez, les autres ne tiendront pas ton rythme…

Voilà, j’entends les râles de mes voisins,
Ils ralentissent, asphyxiés, à bout

Surmonte ta fin, pousse encore
Malgré le trou dans ta poitrine
Malgré le crissement de tes genoux
Malgré la sueur coulant entre les sourcils

Oui, tu es seul en haut de cette côte
Ils sont derrière, ne peuvent plus te suivre
Ne t’arrête pas malgré l’envie
Tire ton souffle au-delà de toi-même
Agite le soufflet, laisse-le chanter
Plus que trois cent mètres…
Tu les entends revenir sur toi

Il faut tenir,
Exalter ce corps qui peine
Devancer l’être qui s’épuise
L’imaginer courant devant toi
Libre d’une volonté implacable
Survolant sa faiblesse joyeusement

Ils reviennent…
Ils reviennent à ta hauteur
Des forges… Ils n’en peuvent plus
Moi non plus d’ailleurs…

Mais encore un dernier effort
Malgré l’absence d’air
Qui ne parvient plus aux jambes
Malgré le vide qui se creuse en toi
Malgré la mollesse qui s’empare de tes pas

Allez, poursuis, encore
Plus que cinquante mètres
Tu ne sais comment cela va finir
Mais tu veux la victoire
Tu la veux, tu la veux !
Les soufflets s’éloignent
Ils capitulent…
D’un râle tu franchis la ligne

Tu pars titubant, inconscient
Tu ne peux t’arrêter
Tu t’écroule à terre
Tu n’es plus qu’un tuyau en feu
Un pot d’échappement exsangue
Tu t’enfonces dans l’eau salée
D’une transpiration violente

Tu ne sais où tu es
Ni même qui tu es
Plus que ce souffle
Criant sa douleur
Et sa satisfaction
Tu as tenu jusqu’au bout

Quelle belle victoire...
Tu la réalises… Tu la vis…
Plus rien n’existe que cette envolée
Qui t’as propulsé en tête
Dans l’ivresse d’un infini
Où seul le souffle existe
Hors de toute pensée
Et dans cet instant sublime
Tu entrevois les perles de rosée
Autour de la bouche de ton poursuivant
Son extinction et son admiration

Oui, tu as gagné
Dieu, que ce fut dur et exaltant
Tu as couru derrière ton être
Et tu l’as rattrapé
Fondu en un seul
Au dernier moment !

 ©  Loup Francart

07:39 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature |  Imprimer