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17/11/2019

La nécessité d'agir

Vous arrive-t-il d’agir en vue d’un bien alors qu’une autre partie de nous-même trouve absurde cette attitude ?

Cette nécessité qui s’impose à vous n’incombe qu’aux choses possibles. Elle procède de la possibilité et de la conscience surnaturelle, mais réelle. Elle impose l’action pour elle-même et non pour son objet.

La nécessité du bien ne peut venir que d’ailleurs. Elle s’impose à nous presque contre notre propre volonté.

 

16/11/2019

Nuit câline

Doucement, avec tendresse, il lape son café
Le chat ne lui arrive pas aux chevilles
Les ombres de la rue pleurent en écoutant la danse
Des rats dans la cave et des souris dans l’appartement
Les éclairs se succèdent, la tension monte
Le verre se déforme et le mercure explose
Dans la tête de qui vous précède, hautain
Il ouvre sa fenêtre et libère les odeurs
Qui partent vers la lune en chantant
Rien n’existe que le silence terrible
Qui assaille l’intercostal jusqu’au noir
Les souvenirs broyés en minces tranches
Ensevelis sous cellophane et ficelés
Sont prisonniers du maelstrom des caprices

Rien ne va plus, fiston, l’ordre règne
Vite, au lit et fait de beaux rêves

15/11/2019

Locédia, éphémère (36)

Las de ces rencontres ébauchées dans la chambre exigüe, nous partions en voiture, sans but précis, avec comme seul plaisir le défilement bourdonnant et monotone des bandes de roulement. Il fallait sortir de Cipar en empruntant les souterrains insonorisés. Nous glissions sur le sol lisse en fibres de plastique qui renvoyait sur la voûte le ronronnement du moteur. En passant au dessous des turbines inhalatrices de son, nous nous taisions, de peur de ne pouvoir saisir nos paroles qui étaient aspirées. Il y avait d'ailleurs des pancartes rouges et lumineuses qui indiquaient les zones de silence. Les conducteurs s'y étaient habitués peu à peu, mais lorsque les turbines furent installées, il était arrivé qu'un chauffeur imprudent qui vitupérait contre un autre, fût arraché de son volant par l'aspiration. La voiture allait s'écraser contre les aspérités caoutchoutées du tunnel, ce qui la rejetait invariablement dans les larges caniveaux récupérateurs de fumée. Souvent les autres occupants de la voiture périssaient asphyxiés avant l'arrivée des agents du soutènement.

Tu parlais. Tu te taisais. Le bourdonnement du silence établissait entre nous un lien que les turbines venaient détendre à intervalle régulier. Glissement silencieux, à peine troublé par le sifflement de l'air sur les ailettes stabilisatrices à demi-sorties en raison de notre faible vitesse. La lueur verdâtre des lampadaires suspendus à la voûte par des câbles d'acier enchevêtrés, envahissait l'intérieur de la voiture d'une indéfinissable couleur fade. Je te regardais noyer tes yeux dans la fumée des caniveaux récupérateurs de fumée. Tu te tournais vers moi en relevant le menton, les sourcils légèrement haussés, puis replongeais ton regard dans la fumée ou sur les flancs caoutchoutés et granuleux du tunnel.

Nous sortions des souterrains en pleine campagne, entourés de verdure, roulant à travers la forêt de lampadaires chevelus qui s'éclaircissaient à mesure que nous quittions les grands axes. Un jour nous nous sommes perdus dans l'enchevêtrement incroyable des routes, les panneaux lumineux étant tombés en panne. Nous errions dans cet univers désertique de plastique et de fer où se reflétaient les lueurs de la lune. Comme nous n'en avions qu'une paire et qu'elle avait peur de cette conduite dans l'obscurité, elle s'était emparée des lunettes de conduite et me guidait le long des arbres à lampadaire que la route contournait et enlaçait en bras incurvés. Glissant à petite allure dans la nuit, nous entendions le sifflement désagréable de l'air rejeté par les troncs. Je me souviens de la lueur de nos deux cigarettes dans l'épaisseur de la nuit. Elle posait sa main sur mon bras et je savais que je devais ralentir et tourner du côté où elle exerçait sa pression.

14/11/2019

Loi

Obéir à la loi parce qu’elle est la loi et non parce qu’elle est juste. La loi n’est pas juste, mais elle est nécessaire. Elle ne peut que tendre vers la justice à travers l’ordre. Et l’ordre est nécessaire à la justice et à son amélioration.

La loi, à travers l’ordre, vise la justice sans l’atteindre.

 

13/11/2019

Opposition

indépendance ?

Un ne peut devenir Deux

l'attraction déroute

mais Deux peut redevenir Un

Brisure du temps !

 

penrose,géométrie,expension

 

12/11/2019

Hiver

Ici, la terre s’endort bordée des dernières fleurs
L’obscur moineau sautille et plonge son bec en terre
L’eau s’évade sans bruit, s’écoulant sans douleur
Les pas marquent le sol d’un œil protestataire

La douceur rougit seule sous le froid égrainé
La femme se couvre et l’homme fait le dos rond
L’écureuil réjoui crée son garde-manger
Seul le poisson file et échappe au héron

S’instaurent le non-être et l’absence de bruit
L’ombre ne profile plus la présence d’autrui
L’herbe devient fouillis et va sans "verdoyance"

Peu à peu vient la mort, la nature s’effeuille
Afin de survivre ouvre ton portefeuille
Et laisse aller ta peine jusqu’à la bienveillance

©  Loup Francart

11/11/2019

Locédia, éphémère (35)

_ Moi, je veux connaître chaque jour le bonheur. Personne ne m'en empêchera, pas même toi, disait-elle d'une voix de petite fille gâtée pour qui chaque exigence nouvelle devenait réalité. Elle parlait posément, comme si elle avait beaucoup réfléchi pour énoncer ce lieu commun. Elle regardait ses mains qui jouaient avec les miennes de même que l'enfant joue avec la craie lorsqu'il passa au tableau pour exposer une leçon devant ses camarades. Ses yeux m'étonnaient souvent par la multitude de leurs expressions. Ils semblaient contenir plusieurs individualités. Ils erraient de ses mains aux miennes, remontant sur mon bras pour s’arrêter à la naissance du cou ou un peu plus haut derrière l'oreille, à l'endroit où les cheveux commencent à se lover en spirales. Ils se concentraient ensuite sur mon regard, un peu plus éveillés, un peu plus tendres aussi.

Pourquoi parler d'une chose qui n'existe pas. « Connais-tu des gens qui s'aperçoivent de leur bonheur ? Ils le rêvent dans leur vie passée, comme le présent qu'on ne peut vivre parce qu'il est déjà du passé, » lui répondais-je. J'étais agacé par cette recherche enfantine du bonheur qu'elle n'avait cessé de poursuivre jusqu'au jour où, bien après cette conversation, elle avait découvert les jardins aux fleurs de lèvres et l'employé débonnaire qui l'avait initiée. Il est possible que ce soit cette découverte qui créa par interposition l’événement que nous avions fini par attendre, imprévisible, inconnu, révélé à la dernière minute, indescriptible. Sans doute n'a-t-elle pu trouver d'autres raisons d'exister une fois sa découverte exploitée et ternie par le temps.

_ Dieu que tu es triste, que l'humanité est triste. J'en ai assez de côtoyer des pleurants et de les soigner comme les plantes grises. Je me demande ce qu'ils foutent tous sur terre. Ils feraient mieux de la quitter tout de suite.

_ Qui ils ?

_ Tout le monde. Tous les gens sont tristes. Moi aussi, constatait-elle avec un petit mouvement de dégout envers elle. Elle réfléchissait : je suis triste aussi, mais ce n'est pas la même tristesse, pas le même désespoir. J'ai trouvé avec toi une parcelle de bonheur et je ne veux pas la perdre. Les gens me rendent heureuse en participant à mes jeux. Quand je m'ennuierai avec toi, je m'en irai.

_ Et je deviendrai un cadavre que tu viendras contempler pour jouir de ton bonheur. Les mains jointent sur la poitrine, je serai jaune et vert, ma barbe aura poussé et tu te diras : « je suis heureuse. »

_ Tu n'as pas de barbe, constatait-elle en souriant.

_ Évidemment, je me rase tous les matins. Tu ne te rases pas, toi ?

_ Si, tous les jours, entre les seins.

Et elle éclatait de rire en me prennant la main ou en posant la sienne sur un de mes genoux. Elle riait longtemps, très longtemps, avant de redevenir instantanément sérieuse. Elle était persuadée, avec une de ces intuitions féminines que nous ne possédons pas, que ces instants ne dureraient pas, que nos rencontres étaient éphémères. Je sentais qu'elle avait peur de me perdre. Elle savait que cela arriverait un jour ou l'autre. Elle me regardait tristement, la main posée sur mon genou et fermait les yeux en levant son visage vers moi. Et je ne pouvais que l'embrasser lentement, les yeux ouverts, comme on embrasse une déesse de bronze.

_ Salaud ! Tu profites de ce que j'ai les yeux fermés pour m'embrasser. Tu ne penses qu'à cela, me tripoter. Tu ne m'aimes pas.