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27/08/2017

Insomnie

Ne plus voir dans l’œil que l’on croise
Ignorer les doigts fragiles qui se tendent
Ne plus même entendre les pas derrière soi
Ou la plainte silencieuse arrêtée sur les lèvres
Partir sur l’asphalte les yeux clos
L’oreille sourde, la main sur le bâton
Souvenirs encore de ce rêve ébauché
Un matin où le soleil rouge sur la ville
Ensanglantait les visages fermés et muets
Puis le vide silencieux du dernier sommeil
Jusqu’au réveil étonné, dans la froideur du lit

©  Loup Francart

26/08/2017

Le passé

Passé, instant de la séparation. On n’éprouve le poids du passé qu’au moment ou l’être ou l’objet partagé s’est séparé de nous ou inversement. La vie est faite de coupures de présent et à chaque coupure se forme une nouvelle page du passé. Et ces pages s’accumulent et se collent affectivement, oubliant toute chronologie. La vis sous sa forme dynamique est celle de l’instant. Le passé est la vie devenue statique. Accéder à la contemplation, c’est réunir ce deux formes de vie en une force neutralisante, résultante de l’inertie et de la dynamique.

25/08/2017

Naïveté

 

Ce qui manque à beaucoup : la naïveté.

Elle est source d’enchantement et de joie pure,

Fleuve de douleurs également.

Mais mieux vaut souffrir de sa naïveté

Que de l’impuissance de sa lucidité.

 

24/08/2017

L'homme sans ombre (14)

Que fit Mathis jusqu’au lendemain ? Noémie ne le sait pas. Elle le retrouve vers midi, pour un nouveau déjeuner, dans le même restaurant. En entrant, elle le regarde et sent sa confiance renforcée envers lui. C’est bien lui que je veux, se dit-elle.

Après les bavardages habituels, les caresses et les baisers, Noémie n’en peut plus. Elle veut savoir, elle doit savoir.

– Alors mon chéri, revenons au sujet qui nous intéresse. J’ai tant attendu. Que peux-tu me dire ?

– Eh bien, avant de te dire quoi que ce soit, je vais te demander une promesse qui engage non seulement ce que je vais te dire, mais également notre avenir, c’est-à-dire notre mariage.

– C’est effectivement sérieux et cela demande réflexion. Néanmoins, je te fais cette promesse sans perte de temps, non par impatience, mais en confiance. Je sais que nous avons confiance l’un en l’autre. C’est d’ailleurs bien ce que signifie le mot : fiance avec, ensemble. Oui, nous sommes fiancés et rien ne peut nous séparer, même pas un serment que nous nous attacherons à garder intact. Mais de quel serment parles-tu ?

– Tu dois me jurer de ne parler à personne de ce que je vais te révéler, quoi qu’il arrive. Ce serment ne peut être rompu sans dommages pour nous. Il m’amènerait à un choix trop difficile entre toi et le secret dont je vais te parler. Et je crois que je serai obligé de te quitter si cela arrivait, ne pouvant faire autrement que de choisir le secret.

– Mais de quel secret parles-tu ?

Mathis sourit gentiment, attendri par l’impatience de Noémie qui restait bien femme, droite, ouverte, mais curieuse.

– Auparavant, il est nécessaire que tu prêtes serment, lui rappela-t-il.

– je te jure de ne parler à personne de ce que tu vas me révéler maintenant. Je connais les dangers d’une telle révélation et je m’efforcerai de ne jamais faillir à cette promesse.

– Merci, Noémie. Je ne doutais pas un instant de ton engagement et il est nécessaire pour ce que je vais te dire. Je t’ai dit qu’en ce qui concerne mon intérêt pour le Tibet, cela remonte à cinq ou six ans, peut-être sept. En fait, cela dure depuis beaucoup plus longtemps, depuis mon enfance, vers l’âge de cinq ou quatre ans, peut-être même avant. Je me suis réveillé un jour en pleine nuit, tendu comme un arc et reposé comme jamais. J’étais conscience qu’il venait de se passer quelque chose d’insolite. Beaucoup plus qu’un souvenir, je sentais dans tout mon corps cette impression extraordinaire de légèreté et de tension. Je revoyais l’effort volontaire entrepris et l’aisance, dans le même temps, que j’avais eu pour m’élever au-dessus de mon lit de quelques dizaines de centimètres, naturellement, sans apprentissage. Cela s’est manifesté subitement, comme sous une impulsion irrésistible. J’étais maintenant épuisé et complètement relaxé, sentant le poids de la gravité qui m’avait quittée pendant quelques minutes avant de reprendre l’impérative exigence de tous les humains, c’est-à-dire être collé à la terre quoiqu’il arrive. Je n’étais qu’un enfant qui ne savait pas encore analyser ce qui lui arrivait. J’étais tellement surpris par cet événement que je n’en mesurai nullement à la fois l’importance et le fait exceptionnel qu’il constituait. Je n’osais en parler à personne, je sentais même que je ne devais en parler à personne et je finis par m’endormir. Le lendemain matin, quand maman vint me réveiller, je ne conservais qu’un rare souvenir d’élévation et de flottement que je ressentais dans le bas de la colonne vertébrale. Que m’était-il arrivé ? Je n’entretenais plus qu’une impression tenace, mais inqualifiable, comme un rêve dont les racines plongeaient dans la réalité, mais sans que je sache pourquoi.

23/08/2017

Oh ! Les beaux jours, pièce de Samuel Beckett

Théâtre de l’inéluctable. Chaque jour passe et ressemble aux autres jours, toujours semblables, mais pendant lesquels, imperceptiblement, inéluctablement, les êtres changent sans qu’ils en aient conscience : « Je vois de moins en moins bien… Pas moins qu’hier…Pas mieux que demain… » Chaque geste de la vie quotidienne devient un évènement attendu impatiemment au cours de la journée, de même que la moindre démonstration d’intérêt, de prévenance de la part d’autrui : un sourire, un mot, un geste même, le plus petit soit-il (lever le petit doigt) prend une importance considérable et suffit à éclairer la journée. « Ça que je trouve merveilleux », dit-elle pour tout ce qui vient  rompre la monotonie des heures.

« Quel beau jour encore », telle est la morale de Beckett. Il y a toujours une raison d’être heureux, il y a toujours un évènement qui, si on y prend garde, suffit à donner la joie pour une journée. Le jour où Willy, malgré ses infirmités, sa condition d’humain réduit à la vie animale, sort de son trou pour regarder sa femme, est le plus beau jour de la vie de celle-ci, parce qu’il est là, présent, réel. Et cet homme qu’elle ne reconnait plus, dont la laideur l’effraie, tente de lui témoigner ce qui lui reste d’amour, faisant de l’enlisement, de l’incapacité de bouger de sa femme, un paradis aussi beau que celui de sa jeunesse.

 

22/08/2017

Maxime

 

Ne jamais renoncer à chercher.

Ne pas croire à l’infinité des solutions

Et l’impossibilité d’une réponse,

C’est déjà un renoncement.

 

21/08/2017

Entre en toi !
Entre en toi !
Ouvre ton esprit, ton cœur et ton corps
A ce qui est plus que toi-même
Cherche encore ce trésor
Que tu ne peux nommer
Ouvre tes mains à son évocation
Et crie au moment de le toucher
Bien souvent, cependant
Tu hésites, pantelant
Tu restes en périphérie de toi-même
Comme endormi, confit dans le sel
Tu te réfugies dans la zone
Là où rien ne s’harmonise
C’est dur, il faut l’avouer
Rien ne va plus, dis-tu
Tu enfiles ta veste à l’envers
Tu cours dehors, dans le froid
Tu rentres, tu reprends ta respiration
Tu calmes ton esprit, reprenant vie
Puis tu plonges en toi
Jusqu’au fond du gouffre
Où tu sens sa main qui te presse
Et son cœur qui bat la chamade
Un peu de chaleur humaine
Dans l’obscurité du monde
Une lueur que tu tiens
Un espoir devenu réalité
Ensemble, au fond de soi
Enlacés fiévreusement
Caressant son visage
Modelant son corps
Tu te rends à toi-même
Et contemple ce moi
Qui malgré tout
Vaut bien un détour...

©  Loup Francart