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13/03/2016

La fin de l'histoire (24)

Commença alors une vie errante, d’hôtels en chambres louées à des particuliers, avec de longues journées dehors, en guettant le soir avant d’oser entrer dans un refuge incertain. Ce n’est pas que cela lui faisait peur, mais il n’avait pas la tranquillité d’esprit nécessaire pour investiguer franchement et tenter de savoir ce qu’il était advenu de Magrit et Charles. Toujours sur ses gardes, il devait continuer à être libre pour transmettre ce qu’il avait appris au cours de ces quelques mois. Une question le tracassait cependant : était-il dorénavant seul ou y avait-il d’autres personnes qui, comme lui, cherchaient une libération ? Il comprit qu’il ne pourrait trouver une réponse tant qu’il serait soumis à cette vie errante, mais il ne voyait pas où il pourrait aller pour poursuivre ses découvertes, sauf à nouveau à Tombouctou. Mais il faut prendre l’avion, donc disposer de papiers d’identité qui ne soient pas à son nom. Continuer comme aujourd’hui revenait à se faire prendre un jour ou l’autre parce que son avertisseur s’allumerait sans qu’il puisse le contrôler. Il se sentait néanmoins investi d’une mission particulière. Laquelle ? Il ne savait pas trop. Il s’efforçait de la préciser sans trouver réellement une réponse. Il passait plus de temps en méditation, se créant une véritable chambre intérieure dans laquelle il se détachait des influences du monde et qui lui donnait la force d’empêcher l’indicateur de s’éclairer. Cette chambre était vide. Il n’y trouvait rien. Mais ce rien lui permettait justement de ne plus être atteint par l’extérieur. Il concentrait toute son attention à ce qui se passait en lui tout en oubliant son Moi social. Il cultivait le calme. Il s’efforçait de paraître semblable aux autres : paraître seulement et non pas être. Il s’interrogeait sur sa vocation véritable, sur le but de sa vie. Il prit conscience de ses erreurs d’objectifs : toujours courir après un leurre, que celui-ci soit professionnel, social, culturel, familial ou autre. Les aléas de la vie ne devaient pas le guider vers un futur quelconque. Seul le but qu’il arrivera à se fixer lui permettra de poursuivre sa destinée. Il était, dans le même temps, bien conscient que cette vision n’était que temporaire et dépendait du temps et de l’intensité qu’il consacrait à sa méditation. Selon les moments de la journée et les influences subies, il s’écartait plus ou moins de son objectif de trouver la « liberté intérieure ». Cette expression lui était venue un jour où, fuyant un hôtel dont le propriétaire devenait soupçonneux, il comprit cette cassure existant entre la notion de liberté dans la vie quotidienne et une véritable liberté intérieure, faite non pas de satisfaction de ce que l’on veut, mais d’absence de volonté d’obtenir quelque chose. « Liberté intérieure » : un trou d’air dans sa vie difficile, une aspiration qui l’enchantait et le poussait à agir selon celle-ci, à l'écart des habitudes sociales.

Il s’était réfugié sous un pont en raison d’une pluie incessante et y avait trouvé deux clochards (oui, les sans-abris existaient encore, par vocation plutôt que par obligation). Ils avaient bu, sans plus, divaguaient quelque peu et s’étaient moqués de lui. Il n’en ressentait aucune gêne. Il avait même parlé avec eux, calmement, les considérant comme des congénères qui n’ont pas encore découvert cet espace que chacun possède en soi pour se sentir en harmonie avec le monde. Il n’y avait pas création d’une distance entre lui et eux, pas non plus la conscience d’être autre. C’était une aspiration intérieure qui le guidait, un mince souffle qui lui faisait comprendre l’incroyable destinée commune qu’ils possédaient, eux et lui, et qui le poussait à les comprendre et les aider. Sensation étrange, comme l’habitation d’un souffle qui passait au travers de son corps et l’entraînait à une attention soutenue pour s’oublier lui-même.

12/03/2016

Le soleil dans toute sa splendeur

https://www.youtube.com/watch?v=GSVv40M2aks

Mieux vaut se taire et admirer plutôt que d'expliquer ou de commenter.

Seul un poème peut traduire ce qu'on éprouve devant ce spectacle.

11/03/2016

Concert

Dans leur montée en intensité
Les sons pénètrent ton opacité
Transpercent l’apparence funeste
Et te conduisent au vide céleste

L’harmonie est fleuve, puis mer
Envahissant l’être et ses recoins amers
Emportant cœur et esprit en ballade
Te ceignant d’une aimable accolade

Viens à l’horizon, dit la mélodie
Viens danser sur la ligne hardie
Déploie tes ailes ankylosées
Et plane sans plus te reposer

Les sons huilés des violons
Enferment tes appréhensions
L’aigre discours de la clarinette
T’incline au repos dans la dunette

Le chant solitaire de la soprane
Te fait franchir la membrane
Qui contient ton être intérieur
Il te confie à l’auguste prieur

La porte est franchie sans peur
Vient l’intense moment de stupeur
Quand l’œil vacille et plonge
Dans les eaux translucides des songes

©  Loup Francart

10/03/2016

La mode féminine

La mode féminine se renouvelle sans cesse, et cela fait des années que cela dure. Qui eût cru, il y a un an, qu’il convenait maintenant de n’avoir ni jupe, ni robe, ni pantalon. Non, ne vous méprenez pas ! Elles ne vont pas nues et leurs vêtements restent décents.

La grande majorité s’est dotée d’une double peau, fine, noire bien entendu, dont elles se contentent pour semode, féminité, parisienne, collant promener dans les rues de Paris. Elle porte, pour cacher le haut, une large ceinture en tissu. Ce n’est pas une jupe, elle est trop petite. Ce n’est pas non plus une robe car le haut est constitué d’un pull qui laisse le nombril découvert. Certes, à cette époque de l’année, elle porte au-dessus un manteau en doudoune, également noir. Cela leur permet de cacher l’essentiel. La rue est pleine de la réclame pour Dim : longues jambes effilées, montant si hautes qu’on les voit au ciel. Aux pieds, elles chaussent volontiers ces boots du Moyen-âge avec des talons qui ne montent pas aux cieux, mais presque. Parfois, le haut de la chaussure retombe mollement vers le sol en fleur épanouie, comme pour marquer un certain laisser-aller qui lui est toujours à la mode.

Avouons cependant que cette nouvelle mode a des contraintes. Comment s’assoir en restant décente ? Il convient de bien tenir serrés ses pinceaux, de décrire un arc de cercle avec les hanches en fléchissant légèrement, pour, si l’on calcule bien, se retrouver assise sur le siège convoité. Certaines doivent s’entraîner longuement avant d’exécuter cet exercice périlleux avec l’aisance nécessaire. Il est vrai que d’autres, une minorité, il faut le dire, se laissent tomber sur leur siège sans aucune élégance, tel un sac de pommes de terre. Elles ne disposent pas de pinceaux, mais de solides piliers qui ne se manient pas de la même manière. Là, on se dit qu’il ne s’agit pas de parisiennes, mais de fraiches migrantes de province.

Une minorité, sans doute peu avertie des changements de la mode, continue à enfiler, difficilement, un pantalon. Mais est-on sûr qu’il s’agit d’un pantalon. Il est tellement serré qu’il est difficile de distinguer la différence entre le collant et le pantalon. L’objectif reste le même : des jambes en or qui ne tiennent qu’à un fil. Le pantalon est bien sûr en grande majorité noir, parfois bleu américain, car un seul ustensile ne change pas malgré les évolutions de la mode : le Blue Jean, anciennement dit Lewis. Après les trous aux genoux ou même ailleurs, ceux-ci sont à nouveau entiers, mais si étroitement économes en tissu qu’elles se demandent si elles pourront y entrer. Elles doivent s’y prendre à trois fois pour enfiler ces chausses, et utiliser un tire-botte pour les retirer. Mais disposer d’échasses pour voir et, surtout, être vue est un privilège qui vaut bien quelques sacrifices.

Quelques fantaisistes, parce qu’elles sont suffisamment dénudées vers le haut, portent de longues bottes de cuir qui montent jusqu’aux genoux, voire plus au-dessus pour quelques rares exceptions. Dans ce cas, leurs collants sont clairs et non noirs. Elles introduisent un contraste voulu entre le buste rapetissé et les bottes de sept lieux, et mettent en évidence le dessin oblong des deux fuseaux qui relient l’ensemble.

Enfin – vous en rencontrez deux ou trois par jour – certaines se laissent admirer en braies, rayées comme il se doit. Malheureusement, ce genre d’attribut n’est pas, le plus souvent, porté par des personnes filiformes. On les voit donc dans une glace déformante qui maquille l’élégance naturelle de la parisienne. Oui, il existe des exceptions qui n’ont pas le galbe nécessaire et qui s’égarent dans Paris, malgré les avertissements de la presse : Paris, capitale de l’élégance.

09/03/2016

La fin de l'histoire (23)

Il ressentit tout à coup la légère pression des liens entre lui-même et le monde. Il rattrapa une jeune fille et, instantanément, fut englobé dans ces pensées. Il ne vit qu’une moitié de joue et les cils de l’œil gauche, le tout entouré de cheveux foisonnants. Cette joue devint une sorte de miroir qui lui renvoyait son entendement aussi naturellement que si elle avait pris un téléphone pour lui parler. Il était en elle comme il était dans ses propres pensées une minute auparavant. Un saut d’un monde à l’autre, sans transition, le laissant aussi à l’aise dans l’un que dans l’autre. Cela ne dura pas longtemps, cinq ou dix secondes. Mais quelle précision ! Femme tout d’un coup, il était plongé dans une vision féminine du monde. Il voyait en femme une situation entrevue habituellement avec plus de distance et moins d’implication des sens. Là, le monde était plus rond, plus caressant, plus à fleur de peau également. C’était un monde plus concret, plus ancré dans les sensations et sentiments, moins distant et probablement plus vrai, parce que plus enraciné dans la réalité. Il touchait le monde et les fibres qui relient chaque être ou chaque chose avec un autre et jouais une autre symphonie, plus charnelle, plus tendre, moins rationnelle et plus vivante. Les femmes donnent naissance au monde alors que les hommes le décortiquent. Ils jouent aux cubes, inlassablement, édifiant et démolissant le monde, pendant que les femmes nagent dans leurs relations, pour y trouver l’harmonie qui les relie. Il comprit qu’une femme ancre sa place dans le monde en jouant de ces fibres qui unissent entre eux les êtres et les choses. Les hommes, eux, s’attachent plus à construire et reconstruire leur position dans le temps et l’espace pour atteindre un équilibre précaire que les nouvelles relations établies entre eux amènent à une nouvelle mobilité. Il ressentit l’importance de disposer des deux visions. Elles consacrent un accomplissement qui devient un commencement, une autre manière de percevoir l’univers, une unification des liens entre les deux aspects de la nature, la féminine et la masculine. Ce fut une sorte de mariage intérieure, la naissance d’une intense luminosité due à la jonction entre le tout et l’absence de moi. Enfin ! Il était, unique, au milieu de tous, parmi tous et tout, parce qu’il avait oublié ce moi encombrant, taraudé de questions sans réponses. Quelques instants plus tard – combien ? Il ne le savait – il eut l’impression de se réveiller. Il était dans un état d’exaltation passionnée, sous l’effet d’une tension intérieure impressionnante, mais tellement enrichissante. Progressivement il retrouva la ville, le passage des passants, le bruit des poubelles, le bourdonnement des voitures démarrant au feu rouge. Le monde reprenait sa place, redevenu éternel et indifférent. Mais en lui, désormais, le rire et les larmes se mêlaient, devenus un même état d’être, au-delà des sensations et des sentiments.

Le lendemain, il apprit par les médias l’arrestation de Magrit. Comment avaient-ils su ? La dP l’avait arrêtée à quatre heures du matin en pénétrant chez elle avec l’aide d’un bélier. Les premiers comptes rendus la désignaient comme une dangereuse idéologue, antisociale et néfaste à l’esprit républicain. Bien sûr, il n’était nullement indiqué où elle avait été transférée. Diable ! Cela se rapproche ! Que faire ? Dois-je rester dans mon appartement ou, au contraire, partir loin d’ici ? Il ne savait. En attendant de prendre une décision, il rassembla dans un petit sac quelques vêtements, deux livres, ses papiers d’identité, de l’argent. Il était prêt pour toute fuite ou même arrestation. D’abord prendre des forces, se dit-il. Il médita une heure, s’efforçant de retrouver les sensations de la nuit. Puis, il sortit, avec son sac. Bien lui en prit. À peine avait-il franchi le premier carrefour, qu’il entendit les avertisseurs des voitures de la dP. Lui aussi était donc recherché !

08/03/2016

Trompe l'oeil

Quelques trompe-l’œil :

Suspendu et introuvable !

16-03-07 Image surréaliste 1.jpg

Allez savoir où est le réel !

16-03-07 Image surréaliste 3.jpg

 

 

07/03/2016

Numériser

Je numérise
Tu numérises…
Quelle menue risée !

C'est un haïku !
Certes, il manque d'élégance
Est-il possible de s’esbaudir
D’un vilain jeu de mots
Prolongé en mauvais jeu de mains

Mais où en est-on ?

Le chameau a-t-il trois bosses
Ou le boss a-t-il un cerveau ?

Qui tire les vers à la ligne
Et quel poisson d’avril
Les rend rectiligne ?

C’est bien ainsi le délire !

©  Loup Francart