18/02/2013
Le grand exterminateur, roman de Virgil Gheorghiu
Bucarest signifie « ville de la joie ». C’est un nom prétentieux. Une ville où la joie est permanente n’existe pas sur terre. Ainsi commence ce roman dans un monde fou, celui de la dictature roumaine. Son objet est une chasse à l’homme. Celui-ci, Trajan Roman, est sauvé par une enfant de douze ans, Dragomirna, fille du directeur de la police. Trajan n’arrive pas à situer et à comprendre la fillette qui est devant lui. Quelquefois, Dragomirna parle et agit comme une toute petite fille. Comme les enfants. Une minute après, elle s’exprime comme les adultes. Dans la personne de Dragomirna tous les âges sont mélangés. Elle est semblable au grenadier. Lui, n’est qu’un paysan, fils d’un curé de campagne, mort d’épuisement provoqué par l’archevêque Isidor, à la solde du pouvoir. Il eut la chance de rencontrer le professeur Cicérone Trifan qui dirigeait la commission pour la préparation du saint et grand concile, et surtout sa fille qu’il finit par épouser. Mais des documents ont été subtilisés et sont recherchés par la police.
Le cœur du subtil complot est expliqué au chapitre VI. Staline découvre que l’énergie dépensée par l’eau bénite n’est pas moindre que l’énergie atomique. (…) Les soviets, sans l’arme atomique, ne pourront jamais réaliser le communisme. Staline n’oublia pas, non plus, qu’il y a quelque chose qui est aussi minuscule que l’atome et que la société communiste ignorait jusqu’à cette date. C’est l’individu. Dans un Etat communiste, l’individu est nul. Il n’a aucune valeur. La personne humaine équivaut à zéro. (…) Staline découvrit de la sorte que l’individu est aussi important que l’atome. Ces deux découvertes durent presque simultanées. L’individu, l’être humain est une plante qui a ses racines dans le ciel. (…) En matière sociale, on a découvert l’énergie de l’insignifiant, du tout petit, et l’individu. Il possède une énergie égale à celle de l’atome : voilà la base de la nouvelle sociologie.
Alors Staline tente d’utiliser cette énergie spirituelle que l’église détient par l’intermédiaire d’un Concile. Pour gagner le ciel, il faut d’abord détruire la société capitaliste et instaurer la fraternité communiste sur la terre. L’Eglise est comme un bateau. Au lieu de diriger le navire de l’Eglise vers le ciel, on le dirigera vers le paradis communiste. C’est quelque chose de plus certain et de plus concret que l’éternité.
La découverte des documents volés compromet la géniale idée de l’organisation d’un Concile destiné à affirmer cette nouvelle orientation de l’Eglise. Alors toutes les ressources de l’Etat sont mises en branle pour retrouver ces documents.
La candeur de Trajan sera la source de son malheur. Il se lie d’amitié avec Taky Tsèp, un espion envoyé par le président de Roumanie pour lui faire dire le nom de celui qui a livré le document signé de sa main. Ce que Trajan se refuse à dire, jusqu’au jour où il apprend la mort de Dragomirna.
Une véritable machination est ensuite montée pour mettre à mort Trajan. Un exterminateur, Baxan, est nommé. Il finit par gagner. Trajan « se suicide » au jour et à l’heure prévus. L’Etat gagne contre l’individu. L’énergie collective a été plus forte que l’énergie spirituelle. Le paradis communiste peut continuer à exister.
Et pourtant il est tombé tout seul, se prenant les pieds dans le tapis !
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27/10/2012
Le bruit de l'eau, nouvelle de Jacqueline de Romilly
J’écoute le bruit de l’eau qui coule patiemment dans la vasque et de la vasque dans le bassin ; et je me souviens.
Elle, celle qui se souvient, n’est pas l’auteur. C’est une certaine Anne qui évoque sa maison du Lubéron. Elle est n’importe qui, nous dit Jacqueline de Romilly, comme l’indéfini en anglais, an, any. Et comme savait si bien l’évoquer Marcel Proust, cette eau qui coule éveille milles souvenirs : l’achat de cette maison, les premiers instants seule dans le jardin, le jour où ce refuge commence à prendre une âme. Au-delà, c’est la vie elle-même qui est évoquée, une vie qui prend du poids, qui devient adulte à presque cinquante ans. Adulte, c’est-à-dire sereine, au moins pour un court moment, qui laisserait sa marque, en dépit des oublis et des transgressions.
J’ai eu l’impression que mon cœur gonflait, sans que je sache si c’était bien de gratitude ou de mélancolie, de plénitude ou bien de vide. Le bruit de l’eau était comme une chanson, toujours la même, présente, fidèle, secrète, interminable…
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25/06/2012
La mort est un nouveau soleil, d’Elisabeth Kübler-Ross, Edition du Rocher, 1988 (suite et fin)
La troisième partie du livre est assez complète et se suffit à elle-même. Voici ce qu’en dit Elisabeth Ross : « Chaque jour des hommes meurent partout. Et néanmoins dans notre société qui a réussi à envoyer un homme sur la lune et à le faire revenir sain et sauf, aucun effort n’est entrepris pour étudier la mort et arriver à une définition actualisée et universelle de la mort humaine. N’est-ce pas étrange ? »
Alors elle nous raconte comment dans son équipe médicale, les expériences au seuil de la mort se multiplient. Elle constate même qu’au cours des dix dernières années on a rapporté dans le monde entier plus de vingt-cinq mille cas. Qu’on-t-il vécu ?
Au moment de la mort, nous vivons tous la séparation du vrai moi immortel de sa maison temporelle, c’est-à-dire du corps physique. On se voit mort physiquement et on se sait entité intégrale malgré tout. (…) On perçoit la présence de nos guides spirituels, généralement un être mort que nous avons particulièrement aimé. (…) On passa alors par une transition symbolique qui est le plus souvent décrite comme une sorte de tunnel et on approche d’une source lumineuse dans laquelle nous réalisons ce que nous aurions pu être, la vie que nous aurions pu mener. (…) Nous devons juger nos pensées, nos paroles et nos actes.
Elisabeth Ross fait alors part de sa propre expérience. Cette expérience a changé sa vie. Alors ne jouons pas les sceptiques à priori. Interrogeons-nous sur ces expériences qui furent suffisamment nombreuses pour qu’elles disposent d’une certaine légitimité. Nous ne trouverons pas la réponse tout de suite, mais cette méditation ne sera pas inutile.
C’est un beau défi, ne trouvez-vous pas ?
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12/06/2012
La mort est un nouveau soleil, d’Elisabeth Kübler-Ross, Edition du Rocher, 1988
« Beaucoup de gens disent : « Le Dr. Ross a vu trop de mourants. Maintenant elle commence à devenir bizarre. » L’opinion que les gens ont de vous est leur problème et non pas le vôtre. Il est très important de le savoir. Si vous avez bonne conscience et que vous faites votre travail avec amour, on vous crachera dessus, on vous rendra la vie difficile. Et dix ans plus tard, on vous donnera dix-huit titres de docteur honoris causa pour le même travail. » Ainsi commence le livre d’Elizabeth Kübler-Ross et cela me plaît : l’indépendance d’esprit est le seul moyen d’innover réellement. Et elle a réellement innové dans un milieu où les préjugés scientifiques sont aussi, sinon plus forts que dans les autres milieux. Un médecin qui sort de la science médicale, laquelle se résume à la vie physique, c’est inconcevable, même si ses recherches se font de la manière la plus scientifique possible.
Le livre est composé de trois conférences qui se font suite de manière logique : vivre et mourir ; la mort n’existe pas ; la vie, la mort et la vie après la mort.
L’homme vit dans un cocon, son corps. Il utilise pour cela l’énergie physique. Mais il dispose également de l’énergie psychique, et il peut les utiliser de manière positive ou négative. L’énergie psychique s’utilise au moment de la mort, lorsque l’homme sort de son cocon avec son corps éthérique comme le fait le papillon. Lorsqu’on lui pose la question de la mort des enfants, elle explique que ceux-ci ont appris ce qu’ils avaient à apprendre et que cette vie lui suffit. La mort permet de faire la synthèse de sa vie, de voir en quoi nous avons réussi ou non ce pourquoi nous sommes venus sur terre. Et ce pourquoi est différent d’une personne à l’autre.
La mort n’existe pas, dit le Dr. Ross. Elle n’est qu’un passage. Elle le tire de ses constatations de Near Death Experience. Alors il faut prendre la vie comme un défi. Nous sommes là, sur terre, pour découvrir quelque chose de personnel qui importe pour notre être tout entier. Alors mettons-nous au travail ! Peu importe si nous sommes connus ou inconnus, si ce que l’on a à découvrir apportera quelque chose à l’humanité ou sera insignifiant. L’essentiel est de le faire avec amour, sans jamais se décourager, sans recherche de profit personnel.
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21/07/2011
Danse, danse, danse, d'Haruki Murakami
Je lis ce livre d’Haruki Murakami dans lequel il est confronté, dans un hôtel curieux, grand building construit sur l’emplacement d’un petit hôtel minable, mais portant le même nom, l’hôtel du dauphin, à l’homme-mouton (qui a déjà fait l’objet d’un livre antérieur). Et celui-ci ne lui donne qu’un conseil : danse, danse, danse.
" Mais il n’y a rien d’autre à faire que danser, poursuivit l’homme-mouton. Et danser du mieux qu’on peut. Au point que tout le monde t’admire. Danser tant que la musique durera. Ne te demande pas pourquoi. Il ne faut pas penser à la signification des choses. Il n’y en a aucune au départ. Si on commence à y réfléchir, les jambes s’arrêtent. "
Et Haruki (ou plutôt le personnage de ce livre) danse. Il décide de s’installer dans cet hôtel. Il a fait la connaissance de la réceptionniste avec laquelle il devient plus ou moins ami. Il rencontre également Yuki, très belle, qui n’a que treize ans et dont il se fait une amie, malgré les réticences de la jeune adolescente. Il retrouve un camarade d’école qui a réussi et qui est acteur. Il fait la connaissance d’une magnifique prostituée et en fait une amie de cœur. Enfin (je n’en suis qu’au tiers du livre), il revoit au cinéma une amie avec laquelle il a passé quatre ans, Kiki, et s’interroge sur ce qu’elle est devenue. Tout cela semble décousu. Mais au fond, ce qui semble important dans ce livre se résume au simple mot « danse ».
Mais qu’est-ce que danser ? Je vais laisser aller mon imagination ou plutôt ma propre compréhension de ce mot, sans cependant savoir ce que me dira la suite du livre. Je me trompe peut-être, mais c’est ma vision personnelle. Danser, c’est se tenir sur le fil du rasoir entre le besoin de sincérité vis-à-vis de soi-même et la nécessité de jouer un rôle en face des autres. C’est également le juste milieu entre la vie personnelle, intime, et la vie extérieure, en société, même restreinte. Et réussir sa vie, c’est la capacité de chaque individu à réaliser ce cocktail difficile, ni trop, ni trop peu.
Pour cela il faut se lancer des défis qui feront progresser votre personne, pas simplement votre personnage, mais votre moi profond, dans sa confrontation avec lui-même et avec les autres. Ce sont des défis tout à fait personnels, qu’aucun n’a besoin de connaître. Ils ne peuvent être imposés par les conventions ou les ambitions sociales. Ils ne peuvent non plus être une recherche de satisfaction personnelle. Ils doivent comporter l’équilibre entre vos deux êtres, votre moi et votre personne, celle qui se présente aux autres.
Danse, danse, danse… C’est l’exigence de la vie. Si l’on s’arrête de danser parce qu’on est fatigué, ou inversement si l’on tourne sans rythme ni grâce parce qu’on se complaît à ne plus faire que ce que les autres attendent de vous, alors on meurt à soi-même.
C’est bien sur le fil du rasoir que doit se délivrer la danse, jusqu’au jour de l’envol final.
04:52 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, société, livre, philosophie | Imprimer