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31/03/2019

Un samedi après-midi parisien

Nous avions marché longuement, échaudés par l’après-midi ensoleillé. Le printemps montrait sa tendresse, ouvrant les pores de la peau, obligeant à cligner des yeux de trop d’éclats. Sortis du métro aux pâles lueurs de l’électricité, nous étions bercés d’une chaleur languissante et bienvenue qui comblait notre désir de transparence. Nous avions plongé dans le monde des objets et du désir instinctif et humain de possession. Tout nous poussait à observer chacun d’eux d’un air de ne pas y toucher, des plus chatoyants au plus anodins. Mais ce qui nous attirait le plus était les livres, quels qu’ils soient. Les lignes dansaient, les images ronronnaient, les couvertures flamboyaient. Ouvrir une à une ces pages défraichies, déchiffrer les histoires qu’elles racontent, faire remarquer au marchand la reliure qui se détériore et, finalement, acheter le volume parce qu’il vous rappelle un jour lointain où vous aviez lu pour la première fois l’histoire drolatique de Jules Romain intitulée Les copains. Vous vous êtes plongés dans les Illustrations jaunies aux images de guerre et vous êtes dits que les fantaisistes batailles des gilets jaunes n’ont rien à voir avec une vraie guerre et son cortège de malheurs.

Puis vint le moment d’une certaine lassitude, d’une fatigue montant des pieds, d’une langueur dans le corps et d’un rêve de s’arrêter au bord d’une rivière, à l’ombre des arbres et des bruits. D’ailleurs, vous aviez terminé la lente remontée du boulevard. Il ne restait plus qu’un revendeur de l’autre côté du croisement. Un homme et une femme, assis à une devanture de café, se levèrent à côté de vous. Ils étaient installés face au soleil et leurs places vous parurent si enviées que vous vous assîtes aussitôt sans réfléchir. Un bistrot dans la rue, une table encombrée de verres sales, des voisins qui parlaient haut et fort. Peu importe, seul comptait ce calme soudain survenu qui détendait le corps et apaisait l’esprit. Il y avait pourtant du bruit, le passage des flâneurs à la recherche de l’objet rare, l’arrêt et le redémarrage des voitures et motos bruyantes au feu vert. Mais dans le rayon de soleil au travers des arbres qui vous frappait su le front procurait une telle joie qui rien ne vous aurait fait bouger de cette place enviable. Nous nous laissâmes entrer dans ce nirvana, sans un mot, sans hésitation, avec une tendresse amoureuse propre au parisien du dimanche, relâchant tous les muscles, nous enfonçant dans la nuit lumineuse du repos, attentif au moindre tremblement de l’être qui sévit au fond de nous-mêmes.

C’est fini. La magie s’estompe, le soleil s’affaisse derrière les maisons du trottoir d’en face, les bruits deviennent plus audibles et transpercent les tympans, les voisines qui fêtent l’enterrement de la vie de « jeune fille » (hum ! Elle a au moins trente-cinq ans) de l’une d’entre elles, chapeau de clown sur la tête, sourire obligé aux lèvres, joie subtilement étendue sur le visage, se lèvent. Alors nous nous levons aussi, traversons le boulevard, quêtons un dernier frisson chez l’unique brocanteur s’étant installé là, achetant un livre de poèmes illustrés qui nous rappellera cet instant magique  et hors du temps que nous avons vécu cet après-midi-là.

30/03/2019

Une vie

« Combien d’années sont passées
Je m’assieds toujours à la table
Je me fonds sur un point de l’être
Et perds toute notion de vie »

Où vas-tu ainsi, hors de tout contrôle ?
Ce brouillard laiteux te suffit-il ?
Soulèves les montagnes et bois la lie
Après la fraîcheur des rêves

La lente tombée des jours rejette
Les souvenirs sur le seuil
S’estompe la splendeur des vagues
Et monte l’obscur désespoir

Une vie, ce n’est qu’un moment
Mené tambour battant
Juché sur les échasses
De l’audace et de  l’angoisse

©  Loup Francart

29/03/2019

Morale

– Le véritable devoir de justice, c’est de considérer chaque individu comme une fin. (Kant).

– Aime ton prochain comme toi-même.

Deux formules identiques au sens moral, mais bien éloignées l’une de l’autre, la première étant fondée sur la raison, la seconde sur l’amour.

La première n’est que règle (assimilable à la loi de l’ancien testament). La seconde est un axiome de bonheur.

28/03/2019

Plus tard

Cesse donc ce bavardage incessant
Entre en toi-même, aspirant au vivant
Et en toi-même, vivant sans aspiration
Tiens-toi debout entre ces deux motions
L’une t’érigeant en rêve sans espoir
L’autre bâtissant une réalité sans savoir

Rien ne va plus dans ce corps
Et dans ce cœur plus encore
Derrière la fente entrouverte du temps
Tu glisses un regard dépendant
Quand donc viendra le moment
Où tu délaisseras tes amants ?

©  Loup Francart

27/03/2019

Bach: Concerto for 3 Pianos BWV 1063 III. Allegro (David Fray, J. Rouvier, E. Christien)

https://www.youtube.com/watch?v=COoxnAYXALQ


 Bach, à nouveau et toujours un concerto pour piano

et toujours l'enchantement d'une musique pure, construite, enchanteresse,

hissant l'homme au sommet de ses possibilités d'élévation

26/03/2019

Connaissance

Naissance d’un lien inaltérable entre l’objet et le moi.

La connaissance ne peut venir que d’une expérience vécue et non d’une accumulation de savoir. Elle implique la conscience de soi par rapport au tout.

Connaître, c’est s’éveiller à la réalité universelle. Cela implique la compréhension, ce que le savoir souvent n’implique pas (j’entends par compréhension une assimilation de l’objet ou de l’idée par l’être).

25/03/2019

Charmée

Partie un jour sans savoir où aller
Elle parcourut les mines et les prisons salaces
Une mouche l’accompagnait sans jamais la piquer
Mais jamais elle ne se plaignit de cet étrange passager

Et lui, toujours charmé, la suivit sans jamais se lasser
Par-delà les pierres, les tunnels et les voyageurs
Lui jetant parfois une œillade qu’elle percevait
Mais sans y prendre garde, elle poursuivait sa route

Arriva en fait le moment de leur rencontre
Elle trébucha et tomba sans pouvoir se relever
Lui, qui la suivait attentivement, comprit sa gêne
Il s’étira et la cueillit dans la rosée, endolorie

Elle laissa échapper un soupir convenu
Ouvrit les bras sans restriction ni modestie
Entrouvrit ses lèvres dévoilant ses blanches dents

Il dit :
Je t’attendais depuis longtemps
Maintenant tu ne peux m’échapper

Elle répondit :
Je t’attendais depuis longtemps
Je suis heureuse de te laisser venir

©  Loup Francart