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05/06/2011

La compréhension du miracle : une co-naissance

 

Avez-vous remarqué combien il est difficile de parler des miracles. Nous sentons d’instinct que le sujet est gênant : ou il entraîne le refus, refus du miracle qui coïncide souvent avec le refus d’en parler parce que sujet trop intime qui nous engage au plus profond de nous-mêmes ; ou il entraîne une profusion verbale exprimant des opinions favorables ou défavorables à leur existence (car en fait, cela s’arrête souvent là : je crois ou je ne crois pas à leur existence). Le miracle déconcerte parce qu’il ne fait partie de notre vie. C’est un point d’interrogation. En fait la seule véritable interrogation que devrions avoir est : le miracle change-t-il quelque chose à ma vie ? Nous verrions alors que, pour ou contre, favorable ou défavorable, le résultat est le même. Il ne change rien parce que, même si nous y croyons, nous l’assimilons à une croyance, une sorte d’idéologie, sans qu’il bouleverse notre vie. Alors, qu’en est-il des miracles ?

A l’évidence, le monde a soif de miracles. Il les attend. Mais en même temps, il les refuse, au nom de la raison, bien qu’il commence à percevoir les limites que celle-ci lui impose. En fait, le problème n’est pas le miracle en lui-même, mais son appréhension. Celle-ci dépend de l’état d’être de chacun. C’est pourquoi l’église adopte une attitude très neutre qui semble sage. La véritable question n’est pas quelle doit être mon attitude vis-à-vis du miracle, mais quelle doit être ma vie vis-à-vis de l’action divine ? Alors vient la véritable compréhension du miracle.

 

1. La recherche du surnaturel

 

Le monde moderne refuse Dieu. La raison, utilisant l’approche scientifique, est supposée expliquer le monde. Dieu n’est plus utile, il est devenu une superstition qui enchaîne l’ignorant dans l’esclavage. « La religion est l’opium du peuple », disait Karl Marx. Si la pensée contemporaine de l’Occident ne va pas aussi loin, elle exclut néanmoins l’aspect spirituel de l’homme pour fonder le bonheur de celui-ci sur son aspect matériel.

Or, réaction curieuse, jamais le merveilleux n’a été autant accrédité. Une littérature nouvelle est apparue : la science fiction. Elle a d’abord puisé dans les possibilités matérielles de la science (Jules Verne), puis dans l’irruption d’êtres vivants venus d’autres planètes (H. G. Wells). Elle s’est tournée peu à peu vers les possibilités irrationnelles du cerveau humain, utilisant le rêve, la drogue, l’hypnose pour sortir du monde matériel ou tout au moins s’en affranchir (H. P. Lovecraft). Elle fait maintenant état des possibilités offertes par l’intelligence artificielle, échafaudant des mondes parallèles à notre monde d’atomes (B. et G. Bogdanoff). Cette littérature ne fait jamais appel aux notions de monde spirituel. Mais en fait, derrière tous ces mondes imaginaires, c’est l’appel d’un au-delà de nous-mêmes qui émerge. L’homme aspire à donner un sens non matérialiste au monde où il vit et derrière la littérature de science fiction se cache la soif de Dieu (et aussi malheureusement celle du démon à qui une certaine littérature laisse une large place).

D’autres formes littéraires ayant pour thème l’énigme, le mystérieux, le surnaturel, sont également apparues ce dernier siècle. Citons entre autres dans le genre littérature métaphysique les nouvelles de Jorge Luis Borgès, auteur argentin, ainsi que ceux de ces amis A. Bioy Casarès et Julio Cortazar. Citons aussi « Le matin des magiciens » et « L’homme éternel » de L. Pauwels et J. Bergier, traitant des grandes énigmes du monde et de l’homme. Constatons enfin le développement insolite de la littérature mystique et religieuse depuis une trentaine d’années. Enfin, notons d’autres formes d’accréditation du merveilleux ou du surnaturel : l’astrologie, le spiritisme, les sectes, qui font souvent profit de la recherche spirituelle des jeunes, recherche sincère et normale.

En bref, l’homme, malgré l’oppression idéologique actuelle tournant en dérision l’aspect spirituel de l’homme, non seulement ne cesse d’aspirer à un au-delà de son univers quotidien qui donnerait un sens à son activité, mais même espère l’irruption de Dieu dans notre monde. Cette espérance est un fait inconscient. Elle est réelle, même si elle se concrétise par un débordement de l’imagination.

 

2. Les limites du rationnel

 

Quelques grands savants commencent à prendre conscience des limites de la science. Ces limites ne sont pas d’ordre matériel. Elles sont conceptuelles. Le cerveau humain, fait de matière, n’échappe pas à la matière.

 

Jean E. Charon, auteur d’une théorie unitaire de l’univers, fait apparaître trois niveaux successifs d’appréhension du monde qui nous entoure :

.        Le connu qui s’appuie sur l’observation (méthode phénoménologique), mais qui ne peut faire abstraction de l’observateur. Son langage dit objectif s’appuie sur la notion d’objet.

.        Le réel, qui est une généralisation du connu permettant d’accéder à une description de la nature indépendante de l’observateur. Son langage est symbolique. Ainsi les mathématiques sont le langage approprié à une description de l’univers.

.        Enfin, ce n’est pas parce que l’on décrit le réel au moyen de la géométrie que l’univers est de la géométrie. Ce n’est que l’univers, nous n’en connaissons que l’image rationnelle que s’en fait l’intelligence rationnelle. On ne peut savoir « ce qu’est » l’univers que par intuition ; et, par définition, l’intuition est personnelle, don ne peut constituer les éléments d’une science. Elle ne peut s’exprimer, se faire partager, qu’à l’aide d’un langage symbolique qui ne donne qu’une description et non ce qui « est ».

 

3. Que penser des miracles ?

 

Voyons un peu comment les hommes conçoivent le miracle. Nous remarquons que selon leur état d’être, ils ne réagissent pas de la même façon et tirent des conclusions contradictoires.

L’homme frustre qui appréhende le monde à travers son aspect sensuel refuse de se laisser troubler par le miracle. Il l’ignore.

L’homme qui vit sa relation avec le monde dans son aspect émotionnel est sensible au miracle. Il trouve une résonnance en lui, car sa vision du monde est intuitive. Le miracle le touche, car il y sent une vérité qu’il ne peut s’expliquer. Mais malheureusement, sa vision émotionnelle le conduit souvent à la superstition, parfois même à la fausse illumination. Il se trompe lui-même inconsciemment par désir du merveilleux. Sa croyance aux miracles, cette recherche à la limite morbide du surnaturel n’est qu’une façon de fuir la réalité du monde et d’enfler son moi en confirmant sa vision des choses.

L’homme qui fonde sa vision du monde à partir de la raison ne rejette pas le miracle comme le frustre. Il ne l’ignore pas, mais il sait qu’il y a une explication naturelle. Il la cherche. Il croit la trouver parfois. Il n’a de cesse de se convaincre que s’il ne peut l’expliquer c’est que pour l’instant la science n’est pas allée assez loin dans sa connaissance de la structure de l’univers. L’homme rationaliste se veut objectif. Pour lui, le miracle est du domaine du subjectif qui un jour sera expliqué objectivement.

Le croyant, selon ce qui prédomine en lui, hésite entre ses diverses explications, qui cependant ne le satisfont pas. Il suit l’église qui lui propose des saints ayant vécu dans le passé et ayant accompli de nombreux miracles, qui reconnaît certaines apparitions. Mais souvent, il ne sait que penser au sujet d’hommes ou de femmes qui font preuve de manifestations surnaturelles : le Padre Pio, Thérèse Neuman, Marthe Robin. En fait, bien souvent, il n’est pas plus avancé que le non croyant et sa foi ne lui apporte que la caution de l’église qui elle-même est très partagée face à la réalité présente du mystère surnaturel. Les miracles sont faciles à accepter lorsqu’ils sont du domaine du passé, mais plus difficiles s’ils font partie du présent.

L’homme spirituel enfin a pris conscience que le monde lui-même est un miracle. Il y voit sans cesse Dieu à l’œuvre et derrière le visible transparait l’invisible, le sens des choses. Pour lui, le miracle est naturel. Il voit chaque jour des signes de la présence de Dieu. En fait, sa relation avec le monde a changé de niveau parce que lui-même a changé d’état d’être. Il ne cherche pas à juger, à penser quelque chose du miraculeux. L’homme spirituel n’a pas d’opinion. Il refuse toute réaction de l’égo, du moi. Il cherche à appréhender le monde, guidé par l’esprit. L’esprit n’a pas de jugement (ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de discernement).

 

4. Attitude vis-à-vis de l’action divine

 

L’attitude de l’homme vis-à-vis de l’action divine doit se régler sur deux préceptes qui peuvent paraître au premier abord contradictoires.

1.      Accepter les choses telles qu’elles sont, le monde tel qu’il est, les hommes tels qu’ils sont ; et non les vouloir toujours conformes à son idéal. Nous rejetons le monde, nous critiquons les autres parce que nous ne les voyons pas conformes à l’idée élevée que nous nous faisons de l’homme et de l’univers. Mais nous ne voyons pas que cette attitude est créée par notre incapacité à atteindre cet idéal. C’est une excuse inconsciente que nous nous donnons à nous-mêmes. Il a toujours semblé à l’homme plus facile de changer le monde que de commencer par se changer lui-même.

Ceci suppose donc de nous accepter tels que nous sommes, non pas seulement avec nos qualités vraies ou imaginaires, mais avec nos défauts (nouvelle naissance avec nous-mêmes) qui ôtera nos peurs et nos critiques, qui apaisera l’exacerbation des contraires en nous.

2.      Etre disponible à l’action divine, au miracle. Comprenons bien que cette attitude n’a rien à voir avec la superstition ou le désir égocentrique du merveilleux. Les grands saints n’ont jamais cherché à faire des miracles. Ceux-ci se sont produits malgré eux au début, jusqu’à ce qu’ils comprennent que telle était la volonté de Dieu. Ils ont toujours dit qu’ils n’y étaient pour rien. En fait, le miracle ne peut se produire que si l’homme est vierge de tout égo, disponible, ouvert à l’action divine en lui. Disons que la sainteté consiste paradoxalement à ne pas rechercher le miraculeux tout en l’espérant, tout en le demandant, tout en faisant confiance à Dieu pour qu’il se produise. Attitude paradoxale, mais facile à comprendre : le saint demande à Dieu avec son esprit (le Soi, l’être profond au-delà du moi), il refuse le miracle avec son égo parce qu’il craint trop d’en tirer un peu d’orgueil.

 

 

*  *  *

 

 

La compréhension de ce qu’est le miracle n’est ni du domaine de l’opinion, ni du domaine de la conviction, ni du domaine du savoir. Elle est dans notre propre changement d’être. C’est une co-naissance qui ne peut venir qu’avec le retournement complet (conversion) de l‘être tout entier. C’est une nouvelle naissance : le monde prend sens, l’invisible transparaît derrière le visible. Le miracle est alors naturel, car la présence divine est derrière toute chose.

 

 

04/06/2011

Imagination, image inhalation…

 

Imagination, image inhalation…

Quel flot de mots et de sons,

Quel débordement de couleurs,

Quelles odeurs absurdes, mais délicieuses.

 

Je suis baignée de tentacules

Qui me chatouillent à l’envers

Et m’encourage dans mon innocence.

Je cherche d’autres procédés

Pour dire mon incompétence.

 

Amis, rien ne me vient à l’esprit,

Hormis cette poêle à frire verte.

Alors je prépare une omelette

Aux œufs frais encombrés d’herbes

Pour régaler les invités rares

Au festin de la comédie humaine.

 

Merci à vous qui êtes venus,

Revêtus de chemises molles

Et de pantalons de cuir souple,

Pour admirer le funambule

Dans son numéro imprévisible

Et sa médiocre réplique.

Oui, rien ne vous y obligeait.

Vous courriez dans vos intentions,

Vous pêchiez les mots au rebus

Et recomposiez les lettres

De mille envolées non lyriques.

 

C’est un grand jour,

Celui du retour de l’imagination.

Il apporte un peu de délire

Aux nuits somnolentes et tristes

Des artistes défraichis et somnambules

Qui pour se soutenir

Boivent plus que de raison

Un vin lourd et capiteux

Qui signe la défaite de leur art.

 

Merci à vous qui m’avez soutenu

Au cours de cette veille nocturne

Pour repartir au matin

Dans les brumes colorées

D’un nouveau jour sans surprise.

 

 

03/06/2011

Les puces de Saint Ouen (suite et fin)

 

Interrogeant la gardienne de ces trésors d’antan, j’appris qu’il existait deux autres magasins à proximité qui vendaient le même type d’objets insolites. L’un des deux n’avait que peu d’intérêt, mais, dans le second, on retrouvait la même veine délirante de décors désuets et charmants.

Ce n’était plus une boutique, mais un atelier secret, qui redonnait aux souvenirs vieillis le chatoiement de la nouveauté, une sortie d’hôpital vers la lumière franche d’une nouvelle vérité. On y trouvait de tout, et rien de véritablement utile. C’était un palais, mais celui d’un obscur génie qui entasse pêle-mêle mille parures qui ensemble constituent, en raison de leur agencement, un décor agréable à l’œil et doux à l’imagination, comme une sorte de baume sur la mémoire des choses.

 

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Au centre trône l’outil inutile, sorte de pont qui ne mène à rien, d’échelle conduisant au néant, comme si tous ces objets étaient la seule valeur universelle que l’on ne peut transcender sans sortir de la vie. L’échelle conduit à la mort parce que seuls les objets subsistent et se recyclent.

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Derrière l’échelle, les sables et cailloux du désert : des milliers de pierres, billes, éléments de bijoux qui s’entassent dans des boites, triés ou non. Ils se vendent au poids, semble-t-il, et on imagine celui qui repart avec un sac plein de ces éternelles fanfreluches pour construire des colliers fantasmatiques et importables.

 

 

 

De part et d’autre de l’allée que constitue l’échoppe, les deux murs qui se font face à face reflètent la même réalité imaginative et délirante de bacs et de présentoirs où règne un ordre quasi militaire à l'instar des revues du 14 juillet.

11-05-21 Puces 18.jpgComme le président de la république, vous défilez devant les troupes dans leurs plus beaux uniformes, devant les engins de guerre alignées plus qu’à la bataille, et vous rêver en plongeant vos mains parmi ces caisses pour exorciser cette impression étouffante d’un monde qui jaillit du présent en faisant renaître le passé.

On y voit de tout : cadavres de poupée, bouteilles de couleurs11-05-21 Puces 24.JPG variées, publicités désuètes ventant des alcools périmés ou des savons qui ne sentent pas la fleur d’oranger, alignement de bobines de fils, en arc en ciel, dans l’espace supérieur où flottent des panneaux décorés de trucs en plastique, en papier, en bois, en fer, qui donnent le tournis au regard comblé de tant de délicieux mirages.

 

 

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Dans un bac, des nains barbus attendent que Blanche-neige viennent les délivrer de tels voisinages intempestifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

02/06/2011

Les puces de Saint Ouen

 

Plus qu’insolite, étrange et poétique, ce magasin situé dans le dédale des puces de Saint Ouen ! Ils sont en fait trois, assez proches les uns des autres, du même marchand, décorés avec la même veine folle d’imagination symétrique et colorée.

 

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Pour le premier, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un de ces stands de tir à la carabine qui s’exhibent dans toutes les foires du monde et qui donnent à chaque bon tireur l’objet dont il a détruit la pipe de porcelaine. Pour un euro, on se prend pour Buffalo Bill. Alignant l’œil, l’œilleton et le guidon, on cesse de respirer, on appuie doucement sur une gâchette molle et on laisse partir le coup, ébahi de voir que celui-ci n’atteint que rarement sa cible, les instruments de visée étant dans de nombreux cas faussés.

 

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En fait, il s’agissait d’une boutique vendant les surplus de fleurs artificielles, en tissu ou en papier, récupérés auprès d’entreprises mourantes ou presque, qui vident leurs stocks en échange de liquidités financières. Ces alignements de fleurs de toutes sortes et de toutes couleurs sont le fait d’un revendeur génial qui utilise le décor pour susciter l’envie d’acheter des bricoles qui ne se vendraient pas autrement. Ce sont des alignements de bouteilles en fond de décor, des tampons, des carafes, entremêlés de fleurs assemblées avec art ou déposées dans des paniers d’ostréiculteurs.

 

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Pour éclairer l’ensemble, des lampes 1950, en métal blanc, qui illuminent d’une lueur jaune, feuillage, tiges et fleurs, leur donnant une irréalité au pouvoir suggestif :

 

 

 

 

 

 

 

certaines, romantiques dans leur consistance et un rose passé,

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 d’autres écologiques, feuilles vertes et fausses gousses de graines,

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  d’autres encore se donnent des allures d’habitantes de cimetière, un peu fanées, mais pas suffisamment pour être jetées,

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 enfin quelques unes n’ont l’air de rien dans leur panier, comme délaissées parce qu’elles ressemblent plus à un tableau impressionniste qu’à de véritables fleurs.

 

Nous admirerons les autres magasins demain.

 

 

01/06/2011

Fragilité de l'humanité

 

Ce n’est que lorsque l’homme a pris conscience de sa vulnérabilité qu’il peut concevoir la fragilité des autres et éprouver de l’empathie pour eux.

Ayant découvert l’universelle fragilité du monde intérieur, il prend conscience de son appartenance à l’humanité et reconnaît en autrui un autre lui-même. Vulnérable comme lui à la dégradation, à l’inaction, au temps qui coule et se disperse, l’autre devient un égal, un proche à aimer. On n’aime que les gens dont on a pu mettre à jour la fragilité ou qui l’ont livré. L’homme qui nous semble invulnérable et craint, peut devenir une idole, mais il n’est pas l’objet d’un amour humain.

C’est à travers cette fragilité intrinsèque de l’homme que se conçoit sa grandeur. Et si sa fragilité n’est qu’une menace, sa grandeur n’est qu’une promesse qui reste à réaliser.

L’amour est la force intérieure qui nous aide à tendre vers ce but.

 

 

31/05/2011

Souvenir d'un voyage au Maroc

 

« N’entrez pas par une seule porte. »

Coran 12 :67

 

Rabat, premiers instants : la multitude, comme des cailloux sur l’herbe rase. Quelques vaches débarquent d’un véhicule ayant vaguement l’aspect d’un camion. Les enfants courent en riant, d’autres dorment sur le dos de leur mère.

 

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Les valises installées, plongée lente au cœur du pays : la médina, vieux quartier autochtone à côté duquel s’est construite la ville européenne. Contraste saisissant entre le vacarme des moteurs et des avertisseurs et le bourdonnement des pieds qui se promènent le long de la rue principale, les cassettes de musique arabe et les cris de livreurs encombrés d’objets hétéroclites. Ici s’effectue la synthèse des contraires : le mouvement et l’immobilité, l’agitation et l’inaction, la rage de vendre et l’indifférence lasse.

 

Comment ne pas être étonné aussi de découvrir immédiatement à côté du flot humain s’écoulant dans les rues étroites, un jardin d’Eden, luxuriant havre de paix, de silence, de fraicheur, clos de murs épais, cachant pudiquement sa beauté. Le gazouillement de l’eau dans les vasques accompagnent celui des oiseaux. Ici règne encore l’âme des conquérants d’oasis.

 

Conserver l’œil pur pour découvrir tout au long du voyage la réalité au-delà des idées préconçues. Alors s’ouvre les portes de la vision et non une seule.

 

.

* * *

 

« Le soleil diurne se couche la nuit, mais le soleil des cœurs ne disparaît jamais. »

Ibn Arabi

 

Quatre heures. Le muezzin appelle à la prière. La nuit devient fraîche et la voix s’allonge sur une seule note avant de rompre d’une exclamation sa litanie. Le mental s’agite, troublé par les aboiements des chiens que personne ne fait taire. « Tourne ta face vers la mosquée sacrée », dit le Coran.

 

Faire de cette fin de nuit un prélude à la lumière.

 

* * *

 

Et il est avec vous où que nous soyez.

Coran 57 :4

 

Le ruban asphalté sur lequel nous roulons devient la frontière du temps dans l’éternité de l’espace pierreux. Le corps dilaté par la chaleur qui monte du sol, le mental alourdi par des mets pimentés ou sucrés, le regard errant sur une mer de cailloux, minuscule point de conscience dans l’infini du monde. « Toute chose procède de Dieu », dit encore le Coran.

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Chacun de nous face à son infini n’est qu’une minuscule chose.

 

* * *

 

Et, de l’eau, nous avons fait toute chose vivante.

Coran 21 :30

  

Ici l’eau dessine sur le sol l’arbre de vie. Nourri par ses racines puisant au cœur de la montagne, le lit de l’oued, comme un tronc rugueux, se ramifie et fleurit dans les jardins discrets de la palmeraie. Etonnante proximité de la pierre où s’accrochent les maisons et de la verdoyante fraicheur de l’oasis. De celle-ci naît la vie, belle comme celui qui va on ne sait où, assis sur son âne. Lorsqu’arrive le soir, un vent discret chargé de parfum, coule entre les palmiers.

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« Il n’y a rien dans l’univers qui ne soit vivant, dit Abd-El-Kader (oui, celui qui s’est opposé à Bugeaud), bien que dans certains cas la vie soit cachée et dans d’autres manifestée. »

 

* * *

 

Ces symboles, nous les faisons pour les hommes, mais ne les comprennent que ceux qui savent. »

Coran 29 :43

 

Splendeur d’un art immuable depuis des siècles. Seuls éléments, la géométrie, la végétation et l’écriture. La géométrie parce que Dieu, qui est au-delà de toute chose bien que les contenant toutes, ne peut être représenté et parce qu’elle symbolise la fonction salvatrice de l’intelligence qui donne la connaissance de l’unité. La végétation, entrecroisements de branches et de feuillages, est l’expression de la vie du prophète, multiple dans ses aspects, déroutante, mais sainte. L’écriture, qui permet d’avancer sur la voie et dont les obscurités du mot à mot sont des voiles qui marquent la majesté du contenu. L’occidental comprend difficilement un art religieux entièrement abstrait. Il a besoin d’images pour tendre vers l’absolu et l’art islamique lui semble privé de vie. Pourtant comment ne pas s’étonner de voir de nombreuses mosquées en construction, reprenant les mêmes éléments de décorations depuis plusieurs siècles, alors que dans nos pays l’art religieux, l’architecture religieuse, s’épuisent en vain plagiat de l’art profane.

 

 

porte mosquée.jpg

http://www.linternaute.com/photo_numerique/temoignage/tem... 

 

Réapprendre à lire les signes que le culte de la raison nous voile.

 

 

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30/05/2011

Se souvenir d’un instant

 

Se souvenir d’un instant

Se souvenir de cet instant

Où plus rien n’existait

Quand nos regards se croisaient

 

Ne pas oublier la pesanteur de tes doigts

Et leur caresse furtive, comme ébauchée

Ne pas oublier non plus le fil de soie

Tissé de nos mains enlacées

 

Se rappeler ces quelques heures

Cet éternel déroulement de la destinée

Rencontre et dispersion sans heurt

Se rappeler ton visage illuminé

 

Enfouir aussi dans quelques pages

La valse lente de tes multiples images

Et parfois donner un tour de manivelle

Pour l’évoquer sur une musique rituelle.