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26/01/2020

Locédia, éphémère (54)

Je n’eus alors plus d’yeux que pour toi. J’oubliais l’orchestre. Je me remémorais les jours passés, ces instants ambigus de nos rencontres, lorsque tu me disais : « Tu m’aimes », plus comme une affirmation qu’une interrogation, ou encore, lorsque tu soulevais tes seins en déclarant « Je te désire ». Et tout à coup, tu te penchas vers la personne à côté de toi, un homme assez jeune, et tu lui dis quelque chose à l’oreille. Il te regarda, sourit avec gentillesse, et passa son bras derrière tes épaules. Tu te laissas aller contre son corps et je ressentis ma solitude. Elle m’empoigna et me laissa vide de toute pensée. Toi, ici, avec quelqu’un d’autre, à qui tu te donnais comme tu t’étais donné à moi, en toue simplicité et toute légèreté, comme pour t’amuser. Je ne pouvais que penser aux instants que nous avions vécus, si présents et si lointains maintenant. Je te revoyais dans ta chambre exigüe, coiffée de ton chapeau de paille, jouant de la flute devant tes peintures. Je me sentais mal, le ventre noué, avec une immense écorchure dans la poitrine. A l’entracte, je prétextais un mal de tête et quittais le théâtre.

 

Un autre soir, je me promenais le long du canal, dans cette rue un peu glauque où je t’avais déjà rencontré une fois, du temps de ton innocence. Je me souviens que tu m’avais regardé longuement, penchant légèrement la tête sur le côté, puis m’avais souri sans cependant m’adresser la parole. Cette fois-ci, je te vis de loin, au bord de l’eau, sur le trottoir, marchant au côté d’un garçon que je ne connaissais pas, lui tenant la main, lui-même la main sur ton épaule. Tu avançais lentement. Tu me vis. Tu continuas à marcher comme si tu ne m’avais pas vu. Tu te serras contre l’homme, levant le visage vers lui. Et lui, ne comprenant pas ton attitude, resserra son étreinte. J’avançais, étonné, refusant la vision de toi-même en promenade romantique au bord de l’étendue d’eau, frissonnante de désir. J’entendais le son de mes pas, je sentais les relents de fraicheur dans mes narines, un peu de bile me monta aux lèvres. Je passais devant toi, lentement, au ralenti, contemplant tes genoux découverts par ta jupe remontée, admirant ton aisance à ne pas reconnaître celui que la veille encore tu avais appelé au téléphone pour lui dire ta joie de le savoir près de toi. Locédia, j’ai regardé passer ton ombre, encore bien vivante, mais déjà ensevelie dans les plis de ma mémoire comme un objet mort. Ta silhouette seule remuait encore, avec lenteur, lointaine et inconsistante, proférant quelques sons inaudibles de ta voix charmeuse. Tu es passée, je suis passé, nous sommes passés l’un à côté de l’autre, comme deux inconnus. Et pourtant combien avions-nous à nous dire.

25/01/2020

Esclavage

 

Les hommes, comme d’éternels esclaves
Entraînent chaque jour la roue du passé
Ne connaissant d’elle que ce point de tangence
Qui imprègne dans le sol l’instant de sa présence
Derrière ne restent que les traces du regret du passé
Et au-devant l’espoir du futur dans un jardin sauvage

 

©  Loup Francart ( (écrit en janvier 1968)

24/01/2020

Quand (pictaïku)

Quand les corps s’ouvrent

Et montrent leur intérieur

Glisses-tu un œil ?

 

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©  Loup Francart

 

 

 

 

23/01/2020

Ici et maintenant

Ils pendent aux murs comme des drapeaux
Délaissés, ils s’affaissent de tristesse
Qui donc viendrait voir ces oripeaux
Entourés de baguettes luisantes ?
Pourtant au cœur saignent leur volonté
De devenir les plaignants du grand jour
Quand l’homme se terrera de honte
Et couvrira ses épaules d’opprobre
Chaque tableau devient l’oriflamme
D’un monde converti à l’insolite
L’enfant est à leurs pieds, nu et vertueux
La faim le tient éveillé, les yeux las
La rage au ventre, bleu de froid
Tordu comme un vieil arbre craquant
Et les murs s’affaissent en silence
Sans un regard vers la débâcle
Oui, le monde est vaste, mais l’homme petit
Comme un moineau sur sa branche
A bientôt, le remord aux lèvres
Seul luit le bonheur d’être, ici et maintenant…

©  Loup Francart

22/01/2020

Locédia, éphémère (53)

Le concert pu alors commencer. Symphonie pour cristalophone de Marc Aurèle Vergeture. L’œuvre était joué pour la première fois en public. Le soliste, après une introduction de l’orchestre, se servait élégamment de ses battoirs pour frapper les notes cristallines du clavier. L’instrument étant assez vieux, mais d’une sonorité exceptionnelle. Il devait prendre garde de ne pas casser les longues membranes de cristal qui résonnaient avec la particularité de transmettre leurs vibrations aux notes voisines, procurant cette sorte d’exaltation communicante propre à l’instrument. Lorsque cela arrivait, un accordeur, installé dans un fauteuil à ses côtés, remplaçait la membrane d’un tour de clé, permettant au musicien de poursuivre sans qu’il y ait d’arrêt de la mélodie. L’inconvénient de cet instrument était néanmoins l’atmosphère capiteuse qu’il délivrait surtout à ceux qui était assis au premier rang. Moi-même, fatigué par l’approche du théâtre sur la place, je me laissais aller à une sorte de rêverie sans qu’il s’agisse réellement de sommeil. Je regardais la salle avec ses magnifiques lustres montant et descendant au gré de la musique, avec ses flambeaux muraux diffusant des couleurs changeantes. Certains auditeurs se laissaient aller, quelque peu avachis sur leur fauteuil, la tête enfoncée dans les épaules. D’autres étiraient le cou, les yeux sortant des orbites pour mieux suivre le déhanchement du soliste face à son clavier. D’autres enfin, rythmait leur mouvement sur le contrepoint des instruments, parfois frappant les genoux de leur compagne dans des instants d’extase. Et je te vis cinq rangs devant nos emplacements. Je reconnus ta chevelure, brune, légèrement châtain, coiffée avec élégance, avec tes boucles d’oreille en poils d’éléphant. Toi seule portais de telles suspensions qui pouvaient dispenser, sur commande, une musique préalablement enregistrée.

21/01/2020

La vie

La vie… Rage d’exister…
Elle se diffuse, envahissante
Elle monte vers la liberté
Sans désir d’égalité
Au-delà de l’espace
Le temps s'échappe
La pulsion s’empare de l’être
Pour un moment seulement
Mais quelle promesse d’éternité

 

Arbre Moune.JPG

©  Loup Francart

20/01/2020

Ire

Vivre ou mourir :
Que choisir ?

Mieux vaut sortir
Et sourire
Sans renchérir
ou obéir

Séduire
Ne pas s’enfuir
Et chérir
Sans défaillir

Concourir ?
Quel rond-de-cuir !

©  Loup Francart