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26/02/2015

L’appel du grand large

Ce matin, après avoir fait quelques corrections sur un livre en préparation, j’ai tout d’un coup senti cet appel, celui du grand large. Non pas celui d’une mer ou d’un océan réel, mouillé et brouillardeux. Mais celui, plus subtil, de ce monde invisible qui hante les nuits et les rende douces de mystère inattendus.

Vous êtes dans vos pensées et… le vide. Ce n’est pas un vide comme les autres, plutôt une éclaircie qui efface tout le reste : le physique, le psychologique, le rationnel et même l’irrationnel. Une page blanche, lumineuse et numineuse[1]. C’est un choc ! Quel don du ciel. Plus un regret, plus un souci, plus même une pensée plaisante. Il n’y a plus de pensée, que ce vide ouvert devant vos yeux, que vous contemplez comme le Graal.  Vous n’êtes plus votre corps. Il a pris les dimensions d’un monde nouveau, élargi, vous donnant l’impression d’un doux tremblement qui, par ses vibrations, étend votre perception jusqu’à l’infini sans rencontrer une seule résistance. Pas un grain de poussière. L’azur plein les yeux, les yeux pleins de larmes de remerciement pour cet instant de grâce. Plus rien ne vous retient dans ces circonstances puisque tout a disparu. Vous baignez dans votre propre félicité acquise vous ne savez comment. Vous y êtes bien. Vous ne cherchez pas à vous y accrocher. Elle est là, elle vous entoure, elle vous caresse, mais elle n’est rien. Vous vous êtes évadé et vous ne le savez pas. Vous errez entre les étoiles, regardant un astre, vous réchauffant à un soleil, poussant toujours plus l’exploration de cette terre nouvelle, jusqu’aux confins du visible. Vous vous dilatez dans cette immensité jusqu’à revêtir son vêtement d’invisibilité. Votre peau n’est plus qu’une enveloppe transparente qui laisse passer toutes les ondes minuscules qui vous font percevoir la réalité impalpable de cet au-dehors qui est aussi un au-dedans et un au-delà.

Peu à peu, le monde revient à vous. Vous vous grattez la tête, vous changez de position, une sensation efface cette absence, une émotion la remplace, un sentiment vous prend votre liberté infinie acquise vous ne savez comment. « Retour sur terre », vous annonce d’une voix d’hôtesse, votre horloge intérieure. La vie se remet en route, par les petits bruits du quotidien, par quelques indications des sens. Vous émergez comme au sortir d’une plongée, mais pas brusquement, avec progressivité, comme si vous regrettiez de vous séparer de ce monde insaisissable.  C’est fini. Vous vous étirez, vous retrouvez votre pesanteur. Oui, c’est sans doute la première perception que vous ressentez : la pesanteur. Elle vous assène son poing féroce que vous prenez dans l’estomac et qui vous recale dans la réalité. Le rêve est passé.



[1] Pour Rudolf Otto, le numineux regarde toute expérience non-rationnelle du mystère, se passant des sens ou des sentiments, et dont l'objet premier et immédiat se trouve en dehors du soi. Le numineux est aussi, selon Carl Gustav Jung: "ce qui saisit l'individu, ce qui, venant d'ailleurs, lui donne le sentiment d'être".

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