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06/01/2020

Au-delà

La verticalité s’empare de toi
Elle gonfle tes poumons et te propulse
Au-delà de toi-même dans la clarté
Réjouissant l'ouverture de ton être

L’horizontalité te défie et t’active
Elle court sous tes pas et t’entraîne
A, malgré tout, survivre et agir
Pour découvrir ce qui est au-delà de toi

Entre les deux, la beauté des bras étendus
La force qui sort de leurs troncs puissants
Oasis de vie, permanence de l’amour
Une boursouflure d’innocence naturelle

Ces trois aspects forment l’entier
Du désir de vie et d’amour de l’univers
Qui te distend les joues et t’entraîne
Vers cet au-delà inconnu à découvrir

 

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©  Loup Francart

 

13/12/2015

Si on veut

Monsieur Albert était un petit homme vif et truculent. Il avait le don de vous surprendre vers 11h30 pour vous apporter quelque chose ou vous dire ce qu’il avait fait en votre absence. Muni d’une clé de la maison, il venait réparer un robinet qui fuyait, ratisser le jardin, remplacer une serrure. Bref il était devenu indispensable et faisait partie de la maison au même titre que la porte d’entrée, le compteur d’électricité ou la vanne d’arrivée d’eau.

Mais Monsieur Albert n’était pas seulement un homme à tout faire qui rend service avec le sourire. Il était aussi le philosophe de la vie quotidienne, le populiste qui explique les dernières élections, le météorologue qui regarde le ciel et vous dit, d’un air de ne pas y toucher : « Demain, il va faire de l’eau ! » Il savait parler et raconter sa vie, celle des autres, celle de la commune, celle de la France. Bien sûr, il n’échappait pas à la règle des mots tout faits : « C’est pas de refus ! » ou encore « Y a pas à dire… » Mais il avait son art de dire comme il avait son art de faire. Il s’asseyait face à la table, les genoux écartés et vous disait d’un air calme : « Oui, j’ai fait les toits de Paris. J’étais couvreur. Le plus dur, c’était en hiver. Des fois, il gelait fort. Fallait pourtant garder les mains au chaud… » Et il poursuivait ainsi sans s’arrêter, ayant toujours quelque chose à narrer. Jamais cependant il ne disait du mal de quelqu’un. Lorsqu’il avait à dire sur telle ou telle personne, il annonçait seulement : « Méfiez-vous, la Jeanne, faut pas la fréquenter. Elle est trop bavarde ! » On savait alors que la personne racontait tout à tous avec une délectation sans fin et tentait en permanence d’apprendre sur chacun pour annoncer une nouvelle histoire aux autres, à votre détriment, bien sûr ! »

Sa phrase favorite : « Si on veut. » il en usait, sentant bien qu’il y avait quelque chose d’insolite dans cette réponse à une question qui le concernait directement telle que : « Vous prendrez bien quelque chose ? » Il vous répondait alors d’un air assuré et guilleret : « Si on veut. » Qu’entendait-il derrière ce on ? Parlait-il de lui ou au contraire de celui qui avait posé la question ? On ne sait. Il laissait supposer que cela lui était égal ou que, si vous n’y teniez pas, peu lui importait. C’était sa manière : être impersonnel avec une réponse personnelle à donner, être désintéressé alors qu’il n’attendait que cela. Que signifiait cette phrase dans sa tête ? On ne le saura jamais. Monsieur Albert n’est plus. Il repose au cimetière, son dernier toit à couvrir. Oui, M’sieur Albert avait une faiblesse pour le vin rouge et en abusait quelque peu. Il en est mort. Ainsi, il venait vous voir à onze heures trente. On l’entendait ouvrir la porte cochère du jardin, déposer son vélo contre un arbre, et venir taper d’un doigt à la porte de la cuisine. Nous aimions ses visites, son langage fleuri, sa bonne humeur jamais en défaut, ses réflexions qui n’avaient l’air de rien. Il avait l’aisance des simples, comprenait lorsqu’il nous dérangeait : « Je reviendrai », disait-il.

Il ne reviendra plus, mais nous conservons dans nos souvenirs la mémoire d’un homme vrai. Parfois, pour rire, à une question posée par l’un d’entre nous, un autre répond : « Si on veut », et un sourire nostalgique naît sur nos lèvres.