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30/12/2019

Locédia, éphémère (47)

Vers seize heures, grillés quelque peu par le soleil d’été, nous décidâmes de visiter l’aquarium de Licentès, une petite merveille de biologie et de technologie. Arrivés au parking, nous fûmes aussitôt abordés par les rabatteurs qui nous convièrent à une visite complète qui ne duraient que deux heures. Nous entrâmes dans la tour de béton noir, contraints de progresser doucement dans une semi-obscurité, jusqu’au sas principal s’ouvrant sur la verrière de bois et l’aquarium géant. Il était possible de commencer la visite par le haut ou par le bas selon notre bon vouloir. Prenant l’ascenseur, nous nous retrouvâmes au dernier étage, à 70 mètres au dessus du sol, avant de chausser les patins à roulettes qui nous permettraient de redescendre sans trop user nos chaussures. Ces patins disposaient de freins hydrauliques que l’on manipulait grâce à une poire munie d’un bouton sur lequel il suffisait d’appuyer plus ou moins fortement. Un petit volant, situé sous le bouton, permettait d’effectuer de rapides changements de direction sans être obligés de trop se pencher. Il fallait être prudents, car de nombreux jeunes garçons empruntaient cette descente non pour admirer les merveilleux animaux qui se prélassaient dans l’aquarium, mais pour entamer une course de vitesse jusqu’au rez-de-chaussée. Certaine d’entre eux, ayant pris trop d’accélération, se fracassaient au pied de la tour et il fallait faire appel aux balayeuses municipales pour nettoyer le sol jonché de milliard de petits débris. De plus, les roulements à billes en or de leurs patins étaient recherchés avidement par leurs camarades qui auscultaient les caniveaux à quatre pattes pour y déceler les petites boules dorées. Une confusion certaine régnait lorsque de tels accidents survenaient. Nous eûmes beaucoup de chance, ce ne fut pas le cas ce jour-là.

Descente prudente dans la lueur bleutée. On ne voyait que l’aquarium aux vitres impeccablement propres. Le couloir était maintenu dans l’obscurité, les murs étant peints en noir. Les espèces de poissons étaient divisées selon leur affinité grâce à des grilles disposées tous les 10 mètres sur la hauteur du cylindre empli d’eau, c’est-à-dire environ 60 mètres. Les ingénieurs ayant mis au point cette structure avaient été surpris le jour où l’on avait introduit des poulpes dans l’aquarium. Passant leurs longues tentacules entre les barreaux, ils avaient trouvé le moyen de les tordre, puis de les descellés. Il avait fallu fermer l’aquarium, déménager les poissons dans d’autres aquariums pour remplacer les deux grilles encadrant les poulpes par des plaques d’aluminium lisses comme du verre et inatteignables à leurs tentacules. Depuis, de nombreuses personnes passaient beaucoup de temps à leur étage, admirant leurs contorsions et tressautements, sans que les poulpes aient quelques succès. Nous descendions lentement, admirant le lent et voluptueux déhanchement des urbifènes, le long bâillement édenté des tulapes, la majestueuse danse sur place, grâce à leurs nageoires tourbillonnantes, des hénicorptères. Nous nous laissions glisser au fil de la descente. Je te tenais la main, éprouvant tes sensations au travers de leurs paumes, caressant tes doigts agiles, te guidant dans la foules des curieux par des pressions que nous connaissions tous deux depuis notre promenade le long de la palissade du jardin. Arrivés devant l’horangoutan, un des poissons les plus laids, tu te serras contre moi dans un frisson de crainte. Je pris ton visage entre mes mains et déposais un baiser sur tes yeux mis clos. Alors tu semblas rassérénée et tu te laissas guider un étage plus bas, face aux milliers de petits éclatères, espèce si minuscule qu’elle donne une impression de frémissements multiples de l’eau, comme les étincelles des cierges magiques que l’on allume dans les arbres de Noël.

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