22/02/2013
Bille en tête, roman d’Alexandre Jardin
Chaque famille a son vilain petit canard. A la maison, ce rôle me revenait de droit. J’y voyais une distinction. En contrepartie de cet avantage, je fus expédié à Evreux en pension. Evreux, ville où l’on est sûr de n’avoir aucun destin. Véritable banlieue de l’histoire, les réussites y sont lentes. La province a toujours fait de l’ombre aux ambitieux.
Décidé à lutter contre la tyrannie de son père, Virgile, le narrateur, ne demande pas la permission de grandir. Il se sacre adulte lui-même. Son premier essai est malheureux : fuir la pension en prenant le train pour Paris avec un camarade et se retrouver au commissariat. Heureusement, l’Arquebuse, grand-mère et personnage de poids, vient l’en délivrer.
Il fait connaissance avec Clara, une femme mariée, lors d’un diner auquel son père l’emmène. Il ose lui dire : « Clara, j’ai quelque chose à vous demander. A table, je voudrais être assis à votre droite, pas à la table des enfants. » Puis il lui donne rendez-vous à la sortie de son collège. Et elle y est : « Clara s’est avancé vers moi. Elle m’a regardé. Je lui ai pris la main. Nous étions seuls. Les oiseaux chantaient pour nous. Le soleil aussi brillait pour nous. Dieu qu’elle était belle dans sa robe qui laissait voir ses jolies jambes. » Tout alla très vite. Le soir même, il est à l’hôtel guidé par Clara pour ses premiers pas dans l’amour. Le lendemain, se promenant avec sa conquête sur la plage de Deauville, il rencontre son père et lui annonce : « Je suis venu avec Clara, je l’aime. » Elle éclate de rire, tentant de faire croire à une mauvaise plaisanterie.
Virgile fait la connaissance de Jean, le mari de Clara. Avec Clara et Jean notre vie à trois dura encore quelques mois. Il l’emmène chez sa grand-mère. Ils font de la barque sur l’étang. Ils redeviennent enfants. Mais son père à nouveau les rattrape.
Exilé à Rome, dans une pension prison, il trouve le moyen de faire venir Clara. L’apprenant par une photo sur un magazine, son père finit par le mettre à la porte : « Virgile, je ne te jette pas hors de chez toi. Tu es déjà parti. » Il devient coursier dans un journal.
La mort de l’Arquebuse met fin à cette errance d’adolescent. Virgile prend conscience de ses avancés dans la vie. De retour à Paris, après l’enterrement, il se précipite chez Clara : « Clara, il m’arrive quelque chose de formidable. Je vais quitter mon enfance. Je vais te quitter. » En la quittant, je rompais le dernier lien qui me rattachait à ces longues années de souffrances ; je mettais fin à mon infinie tristesse d’être petit. Haut les cœurs !
Vous me direz que tous les livres d’Alexandre Jardin sont semblables. Oui, c’est vrai. Mais quelle fraicheur d’invention pour fêter l’amour, la jeunesse, la liberté. C’est une bouffée d’oxygène dans un monde asphyxiant, un remède à la mélancolie, voire à la dépression. « Chaque fois que tu vis, que tu écris ou que tu dis avec légèreté quelque chose de grave, tu gagnes en grandeur », dit l’Arquebuse à Virgile.
07:07 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, femme | Imprimer
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