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En fin d’après-midi

 

En fin d’après-midi, sur une envie subite, prendre la voiture et partir vers l’inconnu, sans savoir où l’on veut aller, se perdre aux détours des routes, regarder le ciel et y voir le signe de tourner à gauche ou à droite. Quel bonheur que ce délassement facile qui nettoie l’esprit mieux qu’une visite impromptue ou l’obligation de se trouver quelque chose à faire.

Chercher ses clés et ses papiers, fermer la maison, jeter un œil aux bulles nuageuses et maussades, ouvrir la portière, s’asseoir et prendre la route du rêve et promener son indolence et laisser progressivement une douce torpeur vous envahir sans que l’on sache pourquoi. Oui, vous êtes déjà parti, sans en avoir été conscient, emporté par un faiseur de songes, à petite vitesse, l’œil élargi, attentif à tout ce qui pourrait retenir votre attention : un lapin dans le champ d’en face, la nouvelle automobile d’un voisin, le cri d’un faisan qui s’envole majestueusement devant vos roues, le passage d’une femme dans la rue, les bras chargés de fleurs. Et chacune de ces images évoque en vous d’autres images, floues, en lien ténu avec l’objet regardé, mais qui vous emplissent de bien-être. Peu à peu, vous sentez monter en vous la liberté des jours de vacances en un pays ignoré. Vous vous allégez et découvrez un espace intérieur vierge, indifférent au quotidien, mais très présent à un monde oublié, celui de la magie de l’étonnement d’un rien et d’une joie vierge de tout souci.

Alors, vous en faites part à celui ou celle qui vous accompagne,  avec des mots très simples, sans littérature, et vous partagez ce moment capital : flotter dans l’espace éthéré et intemporel que procure l’habitacle de votre véhicule qui lui-même vous entraîne en des lieux devenus inconnus. C’est bien sûr quelqu’un que vous connaissez bien, sinon pourquoi partir avec lui dans ce voyage intemporel ? S’il s’agit de l’aimé(e), vous êtes comblé(e) doublement puisque ces instants resteront des jalons de fusion fondés sur un presque rien qui devient un trésor partagé.

Puis, vous prenez imperceptiblement le chemin du retour, par des voies détournées, vous rapprochant insensiblement du retour aux réalités, et vous rentrez rasséréné, léger, comme un fantôme dans une maison à laquelle il est attaché. Et le soir, dans votre lit, vous vous endormez, la fenêtre ouverte sur la réalité nouvelle d’un monde toujours à découvrir.

 

 

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15/08/2011 | Lien permanent

Rêve

Courir dans un pré sous le soleil
Sentir la vie bouillonner d’aisance
Dans la pâleur des fins d’après-midi
Transpercé par un éclair de bien-être

Tu te couches sur les nuages
Et tu danses dans l’air pur et divin
Les yeux ouverts sur le monde
Qui tremble du bonheur d’exister

Et le soir dans l’herbe sèche
Tu pleures d’émotions contenues
Au passage d’un bourdon
Errant dans la paille odorante

Ferme tes paupières alourdies
Berce-toi de l’illusion de rêver
Laisse errer ton esprit endiablé
Repose en paix sur ta terre chérie

©  Loup Francart

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05/06/2015 | Lien permanent

Le nombre manquant (38)

En fin d’après-midi, je décidai d’appeler notre informaticien à Paris. Il devait être rentré du travail et pourrait peut-être me donner de bons conseils. Celui-ci décrocha tellement rapidement qu’il en fut surpris. « Oui, un pressentiment », confirma-t-il. Je le mis au courant de l’absence de Claire et du professeur, sans que les deux défections soient forcément liées.

– Ce que tu me dis me paraît grave. Certes, les deux absences ne sont pas forcément liées, mais il y a cependant de grandes chances que ce soit le cas. Mais pourquoi ? Elle n’aurait pas laissé quelque chose dans sa chambre, un papier, un signe discret, quoi que ce soit qui indique qu’elle partait et éventuellement pourquoi.

– Je n’ose pas trop retourner dans sa chambre, car s’il y a une enquête de police, on pourrait m’objecter que je cherchais à cacher des preuves. Mais ce matin, je n’ai rien vu.

– Je te propose d’attendre pour aller à la police. Elle ou ils vont peut-être rentrer ce soir ou cette nuit. Je crois cependant qu’il serait bon que nous venions, moi et Vincent, à Rome pour t’aider. Il me semble difficile pour toi d’assumer seul cette absence et les recherches nécessaires. Nous prenons le premier vol demain matin et serons auprès de toi en fin de matinée. Cela te convient-il ?

– Oui, cela me paraît plus sage. Nous ne serons pas trop de trois pour effectuer nos recherches et poursuivre notre mission, car très probablement les deux sont liées.

L’après-midi fut longue et la soirée encore plus. Aucune nouvelle, ni de Claire, ni du professeur. Je pris soin de téléphoner à la villa Médicis en demandant que l’on me joigne si l’un de deux se manifestait au bureau. Mais je ne reçus aucun appel.

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12/02/2018 | Lien permanent

La fin de l'histoire (4)

Le lendemain matin, ils partirent avec deux dromadaires, des dattes, de la viande séchée et quelques gourdes en peau, en plus du sac à dos de Nicéphore. Celui-ci n’avait bien sûr rien dit à Mohamed de la réalité de sa quête. Ce dernier ne parlait que quelques mots de français, mais Nicéphore disposait de sa machine à traduire instantanément. L’adolescent était bavard, drôle parfois, jamais à court d’idées. A certains moments il devenait soulant. Nicéphore, lorsqu’il était las de l’entendre, éteignait sa machine, ce qui faisait instantanément cesser le flot de paroles. Il sortait un livre et faisait semblant de travailler.

Les dromadaires marchèrent ainsi pendant une bonne partie du jour dans un paysage plat parsemé d’arbustes. Une chaleur étouffante, pas un souffle de vent, l’eau quasiment chaude à boire avec parcimonie. Nicéphore somnolait secoué par la lente cadence des pas de sa monture. En fin d’après-midi, Mohamed arrêta les bêtes, fit baraquer son dromadaire, se tourna vers la Macque et fit sa prière. Nicéphore en fut heureusement surpris. Ainsi donc, il y avait encore des contrées où il était possible de prier devant les autres sans que l’on vous emprisonne. Quel bon augure, pensa-t-il. Ils repartirent, marchèrent encore une heure et arrivèrent près d’un rebord granitiques ou s’entassaient d’énormes rochers, créant entre eux de petites grottes plus ou moins habitables.

– Nous y sommes, me dit Mohammed. Vous avez l’embarras du choix. Dites-moi seulement où vous installez et je repars aussitôt.

Fouillant un peu dans cet imbroglio minéral, Nicéphore finit par trouver une grotte suffisamment spacieuse et fraîche. Ils débarquèrent les vivres, l’eau et les autres objets qu’il avait apportés. Mohammed ajouta :

– il y a une source qui coule de la montagne. A cette époque de l’année, elle a encore de l’eau. Elle se trouve à cent mètres, dans la petite vallée que vous voyez d’ici. Je reviens dans quatre jours. Salam Aleikoum !

– Aleikoum Salam, lui répondit Nicéphore.

Il se retrouva seul dans ce désert de pierres, entouré de rares être vivants tels que des lézards, serpents, scorpions. Un silence impressionnant, presque surhumain. La grotte était fraîche. Il y ferait sans doute froid dans la nuit. Il avait emporté de quoi se vêtir et un sac de couchage renforcé. Il ne craignait rien. Il s’était promis de ne plus prendre la pilule. Jamais plus. C’était sa première résolution. La seconde était encore plus extraordinaire. Il méditera chaque jour pour trouver un but à sa vie, la sienne, pas celle de tous. Alors, pour bien marquer la seconde résolution, il s’installa face au paysage de pierres et s’immobilisa, assis en tailleur.

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14/12/2015 | Lien permanent

Bruxelles

 

On y entre facilement en voiture, comme dans une ville de province lorsque l’on se faufile entre de petites maisons et des zones industrielles devenues le refuge de sociétés commerciales qui vendent de tout, c’est-à-dire pas grand chose. C’est la fin de l’après-midi, les lumières s’éveillent une à une, comme les bougies d’un sapin de Noël allumées par une seule personne. Progressivement ces bougies se mettent à danser. Vous tournez la tête jusqu’à ce qu’elles se calent dans votre vision et donnent à la ville sa nouvelle apparence, tantôt trop claire, aux abords de grands carrefours ou de lieux d’achat, tantôt obscure dans des rues désertes ou à proximité de parcs et même de forêts de poche. Si bien que vous vous retrouvez quasiment au centre de la capitale en ayant parcouru une petite ville de province encore engluée dans une ruralité attendrissante.

Vous parcourez les rues encombrées de maisons pressées les unes contre les autres. Vous imaginez être dans une bibliothèque dont les volumes ssociétéont emprisonnés entre des serre-livres, monumentaux, colossaux, à l’image du palais de justice qui domine la vieille ville du haut de sa grandeur juridique et morale. Vous vous attendez à voir sortir d’un interstice entre deux habitations un insecte géant, mangeur de papier, cherchant dans votre portefeuille quelques billets à se mettre sous la dent. Rien de tout cela n’arrive. Vous vous promenez comme tous les passants dans une obscurité diffuse, serrant votre col pour ne pas laisser le froid pénétrer le creux douillet d’une poitrine offerte.

Vous vous arrêtez devant les magasins colorés, aux devantures chargées de "brolles" (objets divers) de toutes sortes, mais qui éveillent en vous cette folie d’achat et de possession que vous portez dans vos gênes depuis votre petite enfance. Ce chocolatier est irrésistible ! Vous entrez et êtes surprise par la foule dont le seul objectif semble être le choix important du type de chocolat : noir comme l’encre, au goût amère, mais à la texture simple qui laisse un arrière goût patiné, à la manière du miel, mais moins écœurant ; éclairci, de la couleur des boiseries de nombreuses maisons Art Nouveau qui enjolivent la ville de volutes de bronze et d’arabesques délirantes, au goût plus difficile à définir parce que chargé d’autres effluves, de fruits ou de fleurs. Puis vous ressortez et vous asseyez sur un banc, face aux livres alignés comme des soldats de plomb pour déguster une de ces merveilles gustatives que seule Bruxelles offre à ses visiteurs. Ou encore, vous achetez une gaufre dans une camionnette jaune sale à l’intérieur de laquelle s’agite un charmant monsieur qui jongle avec ses pâtisseries pour les distribuer à tous ceux qui ont besoin d’un en-cas pour survivre en cette fin d’après-midi ou plutôt début de nuit noire et mystérieuse. Puis vous descendez la rue Royale jusqu’à l’église des Sablons pour vous glissez entre les voitures de la place et regardez la vie aller et venir entre les devantures luxuriantes tout en mangeant avec délicatesse cette gaufre appétissante et bienvenue. Là, vivante et repue, vous glissez vers ces tentations sublimes, résistant malgré tout aux charmes d’emplettes de rien, pour vous retrouver dans un magasin environnée d’objets inconnus tels que des peintures, des bijoux ou des tasses à café. Et vous vous fondez dans ce paysage pour mieux le goûter et en apprécier la nouveauté tentatrice.

Ressortant, encore rêveuse d’objets exaltants, vous vous transformez en songe, dans la froideur de l’automne et vous élevez au dessus des cheminées fumantes pour contempler de haut cette ville bizarre, encombrée de petites rues aux maisons biscornues dans lesquelles ont été taillés des emplacements pour de grands monuments, un peu lourds, presque germaniques, mais gardant cependant une certaine élégance, comme ces femmes oscillant entre une jeunesse encore vivante dans certaines attitudes et le début d’un empâtement du corps qu’elles cachent sous des vêtements moins moulants. Vous parcourez en rêve les parcs aux longs arbres déjà dévêtus dans lesquels se trouvent encore quelques promeneurs qui se hâtent vers la sortie. Vous vous arrêtez place Royale, environnée de cubes blancs ou jaunes, un peu étourdie par la valse des voitures tournant en rond autour du carré central, jusqu’au moment où vous en suivez une qui passe devant le palais royal, triste et morose, parce qu’éteint et sans vie. Vous faites le tour du jardin, longeant les ambassades gardées par des Securitas enfermés dans leurs guérites étroites. D’un coup d’aile, vous montez plus haut et vous laissez envahir d’une mélancolie doucereuse, indolente comme les habitants de cette ville, possédée par le charme de cette capitale qui se déguise en femme entre deux âges, le regard brillant, mais déjà couronnée de "croles" enneigées.

Et le soir, couchée dans votre lit, après vous être endormie très vite, vous revisitez ces rues, ces maisons, ces monuments, à la manière du passe-muraille, pour vous imprégner de cet art de vivre, encoconné et chaleureux, riche comme une chatte étendue au coin d’une cheminée fumante.

 

 

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20/11/2011 | Lien permanent

Le nombre manquant (récit insolite 9)

Réunion de crise. Nous nous mîmes au travail. Mathias expliqua pour quelles raisons il était persuadé que nous avions eu une visite. Cela nous parut évident à tous. Mais il s’agissait d’abord d’interdire toute nouvelle pénétration ou de se déconnecter d’Internet, ce qui nous laissait sans possibilité de recherche. Il importait également de savoir qui pouvait chercher à nous pirater. C’était pour ces deux points l’affaire de Vincent, notre hacker. Se déconnecter n’était évidemment pas un problème. Interdire un nouveau piratage lui semblait à sa portée. Le dernier point était moins palpable. Il se mettrait à cette recherche dès qu’il aura réussi à trouver le moyen d’interdire toute intrusion.

Deux jours plus tard, Vincent nous téléphona :

– On peut se réunir. J’ai quelque chose à vous proposer qui devrait nous garantir contre les intrusions. Rendez-vous ce soir, à dix-huit heures chez Mathias.

Chacun de nous attendit avec impatience la fin d’après-midi, arriva en avance d’un quart d’heure, si bien qu’à dix-sept heures cinquante nous pûmes commencer la réunion.

– J’ai trouvé et cela me semble solide. J’ai réfléchi avant de trouver la solution. C’est en lisant le journal hier matin que j’ai résolu notre problème. Il y avait un article sur les postes radio à évasion de fréquence, en fait des postes radio à étalement de spectre par saut de fréquence. Certains pays, dont les Etats-Unis, se plaignaient de plages de fréquence insuffisantes pour l’ensemble de leurs systèmes de transmission. Lisant cela, je me suis dit qu’il devait être possible de fragmenter nos fichiers, de les introduire dans de nombreux ordinateurs et de concevoir un logiciel permettant, grâce à un système robot informatisé, muni de clés de chiffrement, de définir un ordre de récupération des documents. Ils pourraient alors être lus, voire modifier, puis le travail achevé, être à nouveau dispersés et renvoyés dans les ordinateurs utilisés en changeant bien sûr l’ordre dans lequel ils sont intégrés dans chacun de ceux-ci. Comprenez-vous le principe ?

– Cela me semble assez clair, dis-je, mais est-ce possible techniquement ?

– Avec un peu de travail cela semble possible. Il faut juste concevoir le logiciel permettant d’effectuer toutes ces manipulations en temps compressé.

– Il me semble que toutes les données doivent auparavant être cryptées, ce qui compliquerait sérieusement le travail des pirates, dit Mathias.

– C’est effectivement ce que j’ai prévu, ce qui demande un logiciel extrêmement rapide.

– En fait, c’est une sorte de SGBD un peu plus complexe, n’est-ce pas ? demanda Mathias qui avait quelques connaissances en informatique.

– Tout à fait, un système de gestion de base de données permettant l’accès permanent et rapide à nos données que personne ne peut lire car elles sont dispersées dans de nombreux disques durs.

– Combien de temps penses-tu qu’il te faut pour mettre ce système au point ?

– Je ne sais. Au moins une dizaine de jours, me semble-t-il.

– Et d’ici là que fait-on avec nos données ? 

– On n’y touche pas, on les déconnecte de la toile et on travaille sans filet, chacun rassemblant ses recherches dans son propre ordinateur qu’il ne connecte plus. Tous les deux jours, on se rassemble et on fait le bilan de nos recherches. Toi, Mathias, tu devrais pouvoir sans difficulté te charger de cette tâche.

– C’est parti ! s’exclama Mathias d’un air réjoui.

On avait trouvé une solution au premier problème. On avait une solution de principe pour le deuxième problème et dès que Vincent aurait mis au point son logiciel, nous nous attaquerions au troisième. Que demander de mieux !

Neuf jours plus tard, Vincent nous dévoila son système. Apparemment complexe, il était cependant simple à utiliser, trafiquant les données de manière caché aux utilisateurs. Mais il fallait encore trouver les ordinateurs qui cacheraient les fragments de données. Il convenait de disposer d’un minimum de confiance pour introduire nos fichiers, même cryptés dans des machines que nous ne contrôlions pas. Cela supposait également de créer un double impérissable de ces données, car un ordinateur lambda peut tomber en panne, être cassé, volé ou être l’objet de tout autre incident qui pouvait effacer ou détruire les fragments de données, rendant ainsi incohérente notre base.

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24/08/2015 | Lien permanent

La fin de l'histoire (30)

Nicéphore prit toutes ses précautions pour entrer en contact avec Charles. Il observa longuement, assis à la terrasse d’un café, l’entrée de son immeuble. Les gens entraient et sortaient tout à fait normalement. Il examina également l’environnement : les lieux d’observation, les voitures garées, les systèmes de vidéosurveillance. Tout semblait en ordre. Il remarqua cependant une nouvelle caméra qui filmait l’entrée. Elle ne se déplaçait pas, ce qui était une bonne chose. Elle se contentait de prendre des images en continu et le contenu devait être examiné si un fait anormal était survenu, donc a posteriori. Il alla s’acheter un chapeau à bords larges et un imperméable descendant au-dessous des genoux. Il acheta également une paire de lunettes noires et un grand carton à dessin. En fin d’après-midi, au moment où la lumière du jour commençait à faiblir, il se présenta à la porte, restant en permanence de dos par rapport à la caméra. Se cachant derrière le carton à dessin, il n’offrait rien qui puisse le faire reconnaître. Il poussa la porte, entra dans l’immeuble, chercha une autre caméra, mais ne vit rien. Il ne prit pas l’ascenseur. Arrivé devant la porte de l’appartement de Charles, il chercha à nouveau une caméra, mais ne vit rien. Alors, se cachant toujours derrière le carton à dessin,  il sonna. Rien. Le silence. Au moment où il allait repartir, la porte s’ouvrit brusquement. Un homme passa la tête :

– Vous désirez ? demanda-t-il d’un air interrogateur.

–  Charles n’habite plus ici ?

– Je ne connais pas de Charles. De qui parlez-vous ?

– J’ai dû me tromper d’immeuble. Je suis bien au 6 ?

– Non, pas du tout, vous êtes au 8. C’est juste à côté.

Ainsi Charles avait été dépossédé de son appartement. Le traitement n’était pas le même que celui de Magrit. Où pouvait bien être Charles ? Il ressortit en prenant les mêmes précautions. Surtout ne pas être vu ! Comme il se trouvait à côté d’un parc, il décida d’y passer la nuit. Il franchit la grille sans trop de difficulté et s’installa dans un fourré. Recouvert de son imperméable, il passa une nuit assez agréable, sans avoir froid.

En se réveillant, il médita une heure afin de continuer à maîtriser les flux qui pourraient réveiller son indicateur. A la fin de sa méditation,  il eut une soudaine illumination. Il vit Charles, seul, dans une cellule cimentée. Il méditait lui aussi. Et bientôt, leurs pensées se rejoignirent. Ils purent se parler dans leur tête, mentalement, sans l’intermédiaire de la parole.

Charles : " Nicéphore, vous voilà enfin. Je vous ai attendu longuement. J’ai passé des heures et des jours terribles. J’avais froid, j’avais faim, j’avais sommeil. Mais j’espérais. J’ai vu Magrit. Elle a capitulé. Elle reprend la pilule et a repris sa place dans la société. Sa conscience l’a quittée. Je me croyais seul et maintenant je vous retrouve, libre. Sommes-nous les seuls ? "

Nicéphore : " Je ne sais. Je ne connais pas d’autres libérés. J’ai rencontré des « sous-terrains ». Ils méditaient, mais sans conscience du but recherché. Ils ignoraient la délivrance, ce sentiment de toute puissance que donnent l’absence de crainte et l’accès au tout, c’est-à-dire au vide céleste. L’avez-vous éprouvé ? "

Charles : " Oui. J’ai vécu ces instants inouïs où ma personnalité n’existait plus. J’étais passé au-delà, dans cet espace hors du temps qu’est la véritable liberté. C’est ainsi que j’ai pu survivre à cet enfermement. J’y suis libre. Mais Dieu soit loué, ils ne le savent pas. "

Nicéphore : " Courage! Nous nous sommes rejoints. Gardons le contact. Chaque matin, à cinq heures précises, méditons et échangeons. Nous pourrons nous donner un but."

Charles : " On vient. Je vous quitte. A bientôt! "

Nicéphore jubilait. Il avait le sentiment d'avoir atteint un état extraordinaire, une excitation anormale qui lui conférait de pouvoirs qu'il n'avait pas en temps ordinaire. Et il était très probable que Charles éprouvait les mêmes sensations. Cette tension lui donnait l'impression de sortir de lui-même et d'être éveillé hors du monde matériel. Il naviguait dans un monde mental, spirituel, les nerfs à vif, à la frontière des perceptions habituelles et d'un autre mode de perception, plus intuitif et cependant pleinement réel.

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06/04/2016 | Lien permanent

Promenade à Paris

A Paris, je ne prends plus la voiture. A quoi pourrait-elle servir ? Lorsqu’une envie me vient d’aller faire un tour, j’enfourche ma bicyclette. Ce n’est pas la même excitation que lors d’une promenade à la campagne (voir le 15/11/2011, en fin d’après-midi :

http://regardssurunevissansfin.hautetfort.com/apps/search/?s=%22En+fin+d%27apr%C3%A8s-midi%22 ). C'est autre chose, car ici, c’est Paris, la reine des capitales. Il convient de passer lentement, majestueusement dans les rues emplies d’êtres admirables, préoccupés d’eux-mêmes et de leur déambulation, inquiets de faire un faux pas dans la danse qu’ils s’imposent. Les Parisiennes sont remarquables pour aller l’air de rien, alors que seuls les préoccupent les yeux des passants sur leur personne.

Je déverrouille le cadenas, tâte les deux roues d’un doigt anxieux (elles ne sont pas crevées !) et saute sur la selle, en appuyant sur les pédales. C’est parti ! Au fait, où vais-je ? Je ne me pose pas la question. N’importe où ! Me voici parti, le nez au vent, respirant les brumes de mi-journée à l’odeur de vapeurs d’essence. Je ne plane pas encore, mais c’est tout comme. Mon cheval roule au rythme de ma rêverie, regardant comme moi les trottoirs encombrés, les hommes pressés, les femmes attentives aux devantures, les enfants courant entre les jambes de leurs ainés. Quelle diversité, mais aussi quelle analogie au fond. Tous sont en eux-mêmes, noyés dans leurs pensées, inattentifs à ce qu’il se passe, fermés à toutes suggestions de la rue, perdus dans leur boitier magique, attirés à chaque instant par leurs images miroitantes. Tiens, en voilà un qui passe pratiquement sous mes roues, traversant la rue les yeux rivés sur l’appareil. Il devient urgent de doter ces passants d’un radar d’approche qui les piqueront en cas de danger. Bon, continuons, malgré tout !

La foule devient plus dense, elle déborde des trottoirs et marche avec l’aisance d’un propriétaire sur le domaine réservé aux roues (deux, trois ou quatre, selon les moyens de chacun !). Il existe à Paris des quartiers de grande concentration de personnes. Si vous voulez vous déplacer en paix évitez-les, vous ne serez pas contraints de vous arrêter toutes les minutes pour demander aux piétons de s’écarter de la piste cyclable. L’idéal pour vous promener dans Paris en vélo est le faire entre quatre heures et sept heures du matin. La ville est alors à vous. Mais qui se lève si tôt pour jouir d’un Paris libéré de ses habitants !

Pendant que je vous parlais, j’ai fait quelques kilomètres, j’arrive au bois de Vincennes, à moi les allées ouvertes entre les bras de grands arbres tentaculaires. Pas un chat ! Oui, c’est vrai la nuit tombe, nous sommes en hiver et elle tombe vite. Ah, une lueur sur la piste, c’est autre vélo qui se dirige vers moi, non il tourne. Je continue. J’arrive sur la place du château où quelques voitures tournent en rond pour chauffer leur moteur. Je m’éloigne de leurs mâchoires voraces et prend une petite piste qui mène à un de ces lacs ou étangs ou mares et même baignoires qui parsèment la périphérie du bois. Je contemple la surface lisse des eaux et me dis qu’au fond rien ne vaut le fond d’une rue qui se perd dans les bois.

Retour dans la ville. Rien ne va plus, les voitures se ruent en masse vers le centre, tout est bouché, même les pistes réservées aux cyclistes en raison des automobiles immobilisées par leurs conducteurs en raison d’appels téléphoniques toujours plus urgents que jamais.

 

 

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21/10/2020 | Lien permanent

Est-ce vrai ?

Cette photo (rephotographiée) se trouvait au 104 (Le CENTQUATRE-PARIS,  5 rue Curial 75019 Paris). Je ne me souviens pas quelles explications étaient données, mais elle me fit rêver. 

Pierre était un grand marcheur. Il adorait sortir en fin d’après-midi de son appartement, après s’être réconforté d’un sandwich et d’un verre de bière au retour du travail. C’était sa récompense d’une journée bien remplie. Peu lui importait qu’il pleuve, qu’il y ait du soleil ou même qu’il neige. Il partait et visitait la ville, jour après jour, jusqu’à en connaître les moindres détails. Il avait bien sûr exploré les nombreuses caves qui communiquaient entre elles par des tunnels et qui débouchaient sur d’immenses salles avec d’énormes piliers. Elles avaient été creusées quand il y avait eu, au XIXème siècle, un besoin important de pierres pour construire les immeubles. La pierre de gypse y était également exploitée, emplissant ces grottes artificielles d’une épaisse couche de poussière blanchâtre dans laquelle les pas s’enfonçaient. Il aimait marcher sans bruit dans ces couloirs sans fin, découvrant de nouvelles excavations, des blocs taillés et jamais extraits et même, au coin d’un tournant, de petites sculptures anodines faites par un carrier en mal de création. Il lui arrivait également d’explorer les toits de la ville. Il montait les escaliers d’un immeuble jusqu’à l’accès au toit par une lucarne qui s’ouvrait sur le ciel. De là, il marchait pendant des heures, montant ou descendant des échelles, sautant parfois une ruelle étroite pour poursuivre dans un autre quartier sans jamais remettre les pieds à terre. Il explorait aussi les jardins, petits ou grands. On y trouve toujours des coins inconnus, insoupçonnés du grand public que seuls les employés municipaux utilisent pour se reposer, boire un coup ou même faire une petite sieste après le repas.

Mais ce jour-là il marchait le long des trottoirs, dans les rues fraiches, mais pas trop, d’une soirée de mai. Rien ne semblait vouloir apporter une surprise dans cette flânerie sans but, dans le simple plaisir de sentir ses jambes aller et venir comme un métronome bien réglé. Le temps était nuageux, mais sans trop. Les personnes qu’il croisait parlaient entre elles ou se pressaient de rentrer dans leurs appartements. Aucun signe d’insolite ou de nouveauté n’apparaissait dans cette promenade tardive. Il lui restait deux heures avant que le soleil ne se couche et il se laissait aller en songeant à sa journée. Arrivé au bout de la rue qu’il suivait, dans une de ces carrefours assez rares en forme de T, il prit à gauche sans attention particulière. Le paysage changea subitement. Il se trouvait au bord d’un parc, voire même d’une campagne implantée dans la ville, dans une rue montant légèrement et dominée par une colline. Il y avait peu de passants, mais ceux vaquaient à leurs occupations sans souci. Tout était naturel. Il croisa un jeune garçon chaussé de patins à roulettes qui descendait en se laissant glisser. Au loin quelques personnes devisant suivaient le trottoir. Ils rentraient du travail. Une voiture descendait de la rue, à allure modérée, le conducteur un coude sur sa vitre ouverte, écoutant une musique pas trop bruyante, respirant l’air du soir. Rien ne semblait vraiment différent jusqu’à ce qu’il s’aperçut que les maisons n’étaient que des façades, droites, minces, raides, qui montaient dans le ciel et semblaient tenir debout par miracle. Derrière la porte d’entrée rien que la campagne, une grande prairie fauchée, verte, dans laquelle on avait envie de se coucher et de flemmarder. Quelle drôle de rue pensa-t-il sans encore comprendre l’illogisme de cette architecture urbaine. Il continuait à avancer de son pas entraîné, montant vers le jardin, heureux d’avoir découvert un nouveau havre de paix qu’il pourrait explorer plusieurs jours de suite. Certaines façades semblaient des logements, mais toutes les fenêtres étaient fermées et vides d’habitants. D’autres semnlaient plutôt des bâtiments techniques, voire même des sortes de petites usines. Aucun personnel ne se montrait, mais tout semblait normal, conforme à l’heure tardive, après la sortie des bureaux. Il fut cependant frappé par le silence qui régnait dans cette partie de la ville. Les sons étaient étouffés, la voiture passa près de lui avec un très léger ronronnement, pas de cris d’enfants, pas de ce brouhaha urbain qui est le lot de toute les cités. Un calme ouaté, comme le ralenti d’une musique que l’on devine, mais que l’on n’entend pas encore. Il continuait à monter vers la colline, pas à pas, avec cette démarche habituée au grand trajet, comme un automate bien réglé, sûr de lui, à l’aise dans ce paysage nouveau qui ne l’inquiétait pas encore.  Passant devant une façade, il poussa la porte d’entrée. Elle s’ouvrit avec d’un maigre grincement. Elle donnait sur une petite entrée, avec un escalier et même un ascenseur. Montant quelques marches, puis un étage, il regarda par la fenêtre. Du vert, de l’herbe, de la terre, un chat marchant sur la pelouse. Il monta encore un étage et soudainement fut frappé par l’absence de portes sur chaque palier. Un arrêt dans la montée de l’escalier, une fenêtre ouverte sur cette campagne urbaine, rien d’autre. Il redescendit dans une demi-obscurité et regagna la porte d’entrée. Rien ne semblait anormal. Il la tira et se trouva à nouveau dans la même rue comme s’il sortait de chez un ami après avoir devisé et bu un verre. Mais il n’y avait rien qu’un vide caché, inaccessible et oppressant.

Il se sentit brusquement fatigué. Il ne parvenait plus à respirer correctement et avançait avec peine. La montée devenait plus raide, plus laborieuse. Les maisons semblaient se pencher vers la rue, laissant voir leur arrière nu, vide, ouvert sur les parterres. Il eut un léger malaise. Il ne comprenait plus cette irruption dans un quartier inconnu, dans lequel les maisons n’étaient que des façades, les piétons des spectres. Même l’herbe lui semblait trop vertes, les trottoirs trop macadamisés, les lampadaires allumées trop étincelants, les arbres de la colline trop jaunies alors que l’on était au printemps. Etait-il tombé dans une faille du temps ? Il se souvint avoir lu une telle histoire, un déni de réalité faisant irruption dans le cours habituel des événements sans crier gare. Il dut s’assoir par terre, sur la marche d’une porte, le visage transpirant. Il ouvrit son blouson, respira fortement, puis ferma les yeux et s’endormit. La ville autour de lui continuait à vivre, au ralenti certes, mais rien ne semblait extravagant, ni même objet de curiosité pour les quelques promeneurs de cette soirée de mai.

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08/04/2014 | Lien permanent

Le nombre manquant (26)

Ils durent s’organiser. Ils décidèrent qu’une surveillance était maintenant plus utile à la villa qu’à la bibliothèque du Vatican. Claire se présenta à une annonce recrutant une secrétaire. Elle fut embauchée et eut la chance de se retrouver dans l’équipe du professeur Mariani qui n’était autre que le vieillard entrevu à Paris, puis à Rome. Que faisait-il ? Il fallait le découvrir derrière ses occupations courantes et connues. Apparemment, il était en charge des pensionnaires et de l’étude des religions. On peut légitimement se demander ce que l’étude des religions avait à faire avec la villa Médicis, mais c’était ainsi et cela ne gênait personne. Très vite, Claire fut vite au fait des activités du professeur Mariani : matinée consacrée à l’administration de pensionnaires, après-midi plus vague, voire très vague, passée en promenades, visites, réflexions, enseignement. Huit jours plus tard, rien ne transparaissait d’autres types d’activités. Claire se lassait de jouer la secrétaire de direction, gérant les horaires et les rendez-vous. Je me promenais dans Rome sans toutefois pouvoir en apprécier véritablement le charme, étant préoccupé par ce qui nous avait amené là. Je suis même retourné à la bibliothèque du Vatican pour trouver de nouveaux indices ou compléments à notre recherche.

Un soir Claire ne rentra pas à son heure habituelle. Je me dis qu’elle avait dû faire quelque course et qu’elle allait surgir d’un moment à l’autre. Mais les heures passèrent, huit heures, dix heures, minuit, toujours rien. Je m’inquiétais, puis finis par m’endormir dans un fauteuil. A trois heures, elle arriva et me réveilla, excité. Elle avait enfin percé le secret du professeur Mariani. Il avait bien une double vie, enfin, presque. En fin d’après-midi, au moment de partir, Mariani demanda à Claire si elle pouvait rester, car il avait une mission à lui confier : pouvait-elle l’accompagner à une réunion où il lui faudrait prendre des notes et en faire un condensé à lui remettre le lendemain. Notre amie n’eut aucune peine à acquiescer à cette demande. Le professeur semblait satisfait de sa bonne volonté et ils partirent en voiture vers le quartier de Trastevere. Malheureusement, Claire ne connaissait pas suffisamment Rome pour pouvoir retrouver la maison devant laquelle ils s’arrêtèrent. Ils descendirent quelques marches et sonnèrent à une porte cochère. Une jeune fille vint leur ouvrir et, sans un mot, ils la suivirent, traversant un jardin assez sobre, puis pénétrèrent dans une maison. Ils descendirent un escalier assez raide et se retrouvèrent dans une sorte de loggia donnant sur le Tibre. Une dizaine de personnes étaient là, semblant les attendre. Chacune d’entre elles saluèrent le professeur en l’appelant maître. Celui-ci expliqua la présence de Claire, ce qui parut tranquilliser certains. Ils s’installèrent autour d’une table, Claire assise à la gauche du maître. Elle sortit son ordinateur et annonça qu’elle était prête à transcrire ce qui se dirait.

– Mesdames, Messieurs, commença le professeur Mariani, vous connaissez les règles de notre confrérie : ne parler qu’exclusivement du sujet que nous traitons. Aujourd’hui nous allons parler d’un fait singulier : l’infinitude de la création. Avant de vous céder la parole, je souhaite simplement expliciter ce titre de façon à éviter toute incompréhension. Vous savez comme moi que l’infinitude est la qualité de ce qui est infini. Elle se rapporte au qualitatif plutôt qu’au quantitatif. La création serait donc infinie et non un phénomène fini comme on l'a longtemps cru. Cependant, en allant plus loin, parle-t-on d’infini spatial, d’infini temporel ou d’infini conceptuel, voire même d’infini spirituel. Cela mérite une discussion que je vous prie de commencer.

– Merci, monsieur le Président, dit un des messieurs assis à la table. Cette introduction n’est pas négligeable et nous nous efforcerons de rester cadrés dans le sujet que vous nous avez aimablement décrit. J’ai bien noté la différenciation que vous faites des différentes compréhensions que l’on peut avoir de l’infini. On peut s’interroger sur l’infini spatial. Est-il semblable à l’infini temporel. L’un peut-il exister sans l’autre ? Probablement pas d’après Einstein, le cadre espace-temps étant indissociable. Mais j’accepte volontiers les différences entre les infinis matériel (Einstein entendait également la matière dans son continuum), conceptuel et l’infini spirituel.

Claire observait cet homme d’une cinquantaine d’années, les cheveux grisonnants, un beau port de tête et un costume savamment repassé, apparemment riche, mais sympathique. Elle observa également les autres comparses autour de la table. Chacun semblait avoir des qualités et des manques différents. Une seule jeune femme se tenait légèrement sur sa droite, l’œil vif, la chevelure coiffée un peu à la garçonne, mais néanmoins sage. Elle sembla vouloir dire quelque chose, mais se retint.

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26/06/2016 | Lien permanent

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