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30/01/2020

Locédia, éphémère (55)

Tu t'étais levée et venais saluer quelques personnes à côté de moi. Je ne sais plus qui était assise à ma droite, une de ces femmes poudrées et édentées à l'allure de fin de race, mais j'ai encore le souvenir de ton bras nu tendu vers moi, devant moi, lentement, avec insistance, au dessus duquel luisaient les lueurs des chandeliers de la table et les visages animés des convives. Puis, avec un calme et une lenteur exaspérante, pendant un temps immensurable où je pus regarder la peau sans défaut, blanche et lisse, un peu verte au pli intérieur du coude, tu approchas l'avant-bras jusqu'à ce qu'il vienne effleurer mes lèvres. L'écume de la Mer. Plus rien n'existait que l'écume de ce bras dans laquelle j'enfouissais mon visage. Cela dura une minute, deux minutes, cinq minutes. Les gens continuaient à parler gravement sans paraître nous voir, pas même celle à qui tu tendais la main et qui semblait s'être figée. Tu me dis de la même voix qu'auparavant : « Tu m'aimes. »

Je n'ai jamais pu savoir si pour toi cette petite phrase était une question ou une affirmation. Peut-être n'était-ce ni l'une ni l'autre, seulement une de ces phrases dont nous vivons, qui n'existent que par leur présence, sans forme, sans raison.

_ Le mariage est la pire des prostitutions et la plus répandue. On se prostitue à un seul homme, on lui prête son corps contre une maison et du pain. Et cette obligation de simuler la joie au long de nuits toutes semblables. Non, je ne marierai pas. Patience. Un jour viendra où je serai toi. Ne brusques pas les choses, elles doivent arriver dans l'ordre, dans l'enchaînement logique de chaque portion de temps.

Et le temps Locédia, est passé selon la logique irréfutable de son enchaînement. Je t'ai contemplé morte. Je te possède morte, souvenir livide. Locédia, blanche, hagarde, effroyablement rigide et immobile.

Quand tu boudais, quand tu souriais, quand tu me méprisais, quand tu m’embrassais. Mille attitudes, mille gestes effondrés par la pesanteur.

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