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15/01/2020

Locédia, éphémère (51)

Entré dans le café, je te cherchais dans un coin tranquille. Rien. Une jeune fille semblait attendre également quelqu’un, mais ce n’était pas toi. J’entendis des voix fortes qui criaient sur ma gauche et tournais la tête par curiosité. Tu étais là, assise au milieu d’un cercle de garçons et de filles, objet de toutes les attentions, parlant haut, légèrement rosie par l’entrain que tu mettais à raconter une histoire apparemment drôle. Les autres t’écoutaient, riant, te regardant, semblant te caresser mentalement. Interdit, je te voyais en me demandant si c’était bien toi.

Tu avais bu, le désordre de tes vêtements l’attestait. Tu me lanças fortement : « Viens, viens donc, nous avons besoin de tes lumières ! » Tu me montras une chaise, dans le cercle, assez loin de toi, et tu repris ton récit, affairée de verbe. Tu parlais de Mondrian, le peintre aux couleurs primaires dont l’usage du blanc et du noir fermait les espaces perpendiculairement. Tu le citais : « Si nous ne pouvons nous libérer nous-mêmes, nous pouvons libérer notre vision ! ». Que sous entendais-tu derrière ces paroles de l’artiste, je ne sais. Mais tu fis courir un frisson dans le groupe qui révélait ainsi ton emprise sur lui. Locédia, magicienne des espérances, traductrice des désirs, reconnue par ses pairs comme celle qui fait vivre des moments plus intenses. Et je me laissais prendre au jeu de ton intelligence. J’admirais ton aisance, ta culture, ton excitation également devant ces hommes et femmes qui te regardaient et t’écoutaient. Prêtresse mystique, tu manipulais heureusement les visions de tes congénères, les entrainant dans un imaginaire impossible où les lignes horizontales et verticales se couvraient de couleurs enchantées. Locédia, tu étais belle malgré tout dans cette passion que tu mettais à convaincre. Et pourtant, tu repartis au bras d’un autre, me faisant un signe, comme si je n’existais plus. Il se réjouissait de t’avoir à ses côtés, mettant en évidence ta personne, te couvrant de ses mains sur tes épaules, cherchant dans tes yeux une satisfaction que tu semblais lui donner. Je pris moi-même un autre chemin, plus long, plus difficile, passant par les rues où nous nous étions promenés, m’efforçant de découvrir de nouveaux attraits à ce quartier connu. Pourtant, je te voyais dans mon souvenir, la tête penchée vers moi, m’offrant tes lèvres, innocente et altière. Pourquoi t’avais-je rencontré ? Pourquoi t’avais-je regardé jusqu’à ne plus te voir dans ta réalité ?

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