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22/12/2019

Locédia, éphémère (45)

Arrivée au port, là où une longue file d’attente s’égrenait, chaque voiture comme un grain de chapelet jusqu’au bateau au loin sur la jetée. Nous avançâmes doucement, jusqu’au péage où se tenait la femme tronc habituelle, qui nous demanda la carte plastifiée qui servait de monnaie. Je repris le volant, guidant la voiture sur un parcours de flèches vertes jusqu’à notre emplacement définitif, sur tribord. Fermant les portes à clef, nous montâmes sur le pont humide et glissant. Il faisait pourtant beau. La mer était calme. Mais une légère brume la recouvrait, humectant les surfaces à son contact d’une légère pellicule de gouttelettes visqueuses, dégageant une odeur prenante, oppressante même, mais agréable. Peu après, émettant quelques fumées par sa cheminée, le bateau se mit en branle, comme quittant à regret son havre de paix pour s’engager sur l’inconnu. La traversée ne fut pas longue, mais elle nous coupa du continent et nous permit de débarquer allégés, rajeunis, sur une jetée allongée, qui tendait son bras bien au-delà de ce que la nature offre normalement. L’île avait la singularité d’être peuplée de pistalets, sortes de coquillages qui avaient la possibilité de se traîner sur terre, comme des mille pattes, certes lentement, mais suffisamment loin du rivage pour que la police municipale ait été contrainte d’installer de grands filets le long des routes pour les empêcher de provoquer des accidents. A certains endroits, ils s’accumulaient dans des poches, se montant les uns sur les autres en des sortes de pyramides baveuses. Il fallait alors téléphoner à la police pour qu’elle envoie des spécialistes qui faisaient sauter à la dynamite cet amas avant que certains pistalets ne puissent déborder hors des filets. Ils sont cependant bons à manger, mais quelle indigestion ! Leur chair bien cuite ressemble à des éponges roses percées de petits trous par lesquels s’échappent des senteurs exquises, parfois écœurantes. Un seul suffit pour le repas, et encore, il faut un bon appétit.

Dix kilomètres plus loin, nous arrivions à notre lieu de villégiature, un village dans les terres, suffisamment près de la côte pour que nous puissions nous y rendre en chariocycle. Tu me fis les honneurs de la maison, tu me montras ma chambre, cachée derrière les escaliers, mais bien éclairée et propre, tu me présentas à nos hôtes, que je connaissais déjà. Le lendemain matin, tu descendis déjeuner en bikini, vêtue malgré tout d’un peignoir rose avec des revers rouges foncées. Tu laissais celui-ci suffisamment ouverts pour que tes seins se laissent deviner, rêver, frôlés par l’étoffe légèrement rugueuse qui excitait leurs pointes. Quel réveil !

Empruntant un des chariocycles permettant d’y caser nos seaux et instruments aratoires, nous partîmes pour la côte, pédalant fougueusement, impatients de toucher la frange mousseuse laissée par la terminaison des vagues sur les rochers. Chaussant nos souliers crantés indispensables sur la roche friable et glissante, nous avançâmes vers la pleine mer, jusqu’à nous trouver isolés sur une langue de terre. Tu tombas brusquement dans un trou d’eau et je me penchais pour te tendre la main. Tu m’attiras à toi, me fis tomber dans tes bras, m’empoignant brusquement, et tu me couvris de baisers, me palpant sous l’eau de tes mains vertes et légères. Tu riais follement, semblant beaucoup t’amuser. Je suffoquais, puis me laissais aller, regardant tes sourcils emmêlés de gouttes d’eau salée que je buvais avec passion, comme des larmes de bonheur. Tu te livras à moi, entière, innocente, pendant quelques instants, avant de reprendre tes attitudes habituelles, gardant néanmoins un sourire discret et chaleureux. Quelle étrange impression. J’avais senti de mes mains ton corps presque nu, j’avais touché de mes paumes tes seins dressés, j’avais posé mes doigts au creux de ton ventre et tu t’étais offerte consciemment en riant, comme par plaisanterie. Merci, Locédia, pour ces instants sublimes où je te découvrais en toute transparence.

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