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21/08/2019

Locédia, éphémère (17)

A nouveau se forma le peloton, à nouveau la masse colorée des casaques défila devant les tribunes, puis se laissa déporter derrière le petit bois. Les coursiers en ressortirent chaussés de prothèses, courant comme des pélicans au moment de leur envol et forçant les jockeys à s’accrocher aux poils hirsutes plantés devant la selle pour maintenir un équilibre compromis. Retrouvant l’harmonie de leurs foulées, ils continuèrent dans le lointain avant de surgir sur la piste le long des tribunes, annoncés par les hurlements des parieurs. Rivière des tribunes… Prenant leur élan d’un seul bloc, ils retombèrent lourdement sur la piste chargée d’eau, s’écroulant lentement les uns sur les autres, emmêlés en un tas informe qui mit du temps à se décomposer en chevaux et cavaliers. Ceux qui étaient encore en état de repartir pour finir la course, avec l’aide de leur lad, furent hissés sur le dos de leur mécanique, apeurés, mais contraints par les cris du public ravis de cette chute collective inhabituelle. Locédia, j’ai vu alors dans tes yeux la fièvre des parieurs, le frémissement de voyeurisme des amateurs, la montée d’adrénaline des habitués des courses. Les narines légèrement dilatées, tendue, la poitrine en avant, tu hurlais ton exaltation, tenant à bout de bras tes jetons élastiques, agrippée à mon pardessus, m’entraînant brutalement au-dessus du vide derrière la balustrade de la tribune.

_ Regardes, c’est extraordinaire, ils ne sont plus que cinq en course !

Oui, ils étaient repartis, tant bien que mal, courant de manière désarticulée, encore engourdis de leur chute périlleuse. Les jockeys tentaient de reprendre les commandes, poussant intensément sur les boutons, accompagnant des deux coudes les mouvements d’encolure de leur monture, le forçant à se concentrer sur le prochain obstacle. Deux chevaux chutèrent sur les obstacles du second tour. Les autres abordèrent à nouveau l’épreuve principale devant les yeux exorbités des spectateurs. Le premier cheval passa sans difficulté la rivière, d’un bond carnassier, un sourire en coin. Son jockey leva le bras en signe de victoire, sûr de lui et de son pur-sang. Le second, qui avait perdu sa cravache dans la première chute, s’efforçait de frapper les flancs de sa mécanique avec le plat de la main, sans grand succès. Manquant d’élan, celle-ci retomba avec souplesse dans l’eau boueuse, diffusant un épais nuage de vapeur par les naseaux et poussant un hennissement de surprise. Tenant toujours ses rênes, son cavalier la tira de l’eau, se fit aider par son lad pour se remettre en selle, et reparti finir sa course, c’est-à-dire sauter encore cinq autres obstacles avant de passer au ralenti la ligne d’arrivée. Le troisième chuta également dans la rivière, et son jockey abandonna d’un geste d’écœurement à la vue du délire déclenché par les spectateurs au moment de sa chute.

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