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17/01/2017

Le prédicat

"C’est [le prédicat], à l’origine, une notion logique qui remonte à Aristote. Mais le prédicat grammatical est plus récent et le concept est encore discuté. Dans la phrase « Paul mange une pomme », la grammaire classique distinguera le sujet « Paul », le verbe « mange » et le complément d’objet direct (COD) « une pomme ». L’analyse distingue donc le sujet agissant, l’action et la cible de l’action. La pomme n’est pas Paul et celui-ci aurait pu ne pas la manger. Ce qui signifie que le monde est distinct du sujet, ne s’y ramène pas, et que le sujet agit librement sur ce monde." (Pierre Van Ommeslaeghe, professeur de philosophie)    

Tout d’abord, cette notion entraînera une plus grande confusion dans la tête des enfants, car il convient de bien nommer les choses et donc également les concepts. Mettre ensemble les torchons et les serviettes entraîne le plus souvent des inconvénients d’ordre domestique.

Mais dans la nouvelle analyse grammaticale, tout se ramène au sujet. Il y a moi ou toi, le sujet, et les autres, objet ou personne. On nous explique que les notions de personne, verbe et complément seront expliquées par la suite. Oui, mais quand ? Est-ce si important d’introduire un tel concept qui ne sert qu’à brouiller la compréhension des jeunes élèves ? Philosophiquement, la distinction est importante. Dans l’explication ancienne, on distingue bien le sujet du complément, celui-ci ayant une vie propre, indépendante du sujet. Le monde n’est pas moi et le moi n’est pas le monde. Dans une phrase, le verbe détermine l’action du sujet sur le complément ou l’inverse. Dans la nouvelle acception, le sujet est le grand gagnant. Il est et le reste n’est qu’un prédicat, certes avec quelques broutilles à côté, c’est-à-dire une proclamation du sujet (à l‘origine, praedicare signifie proclamer, annoncer, voire prêcher).

Derrière cette nouvelle vision de la grammaire s’introduit une nouvelle vision du monde. Dans ce système on distingue celui qui est (le sujet) et ce qu’on affirme ou nie à son propos. L’homme tout puissant agit par la parole au moins autant, voire plus que par l’action. Il se fait son monde et l’impose aux autres. Chacun se comporte comme créateur et inventeur du monde et sa pensée façonne celui-ci. L’homme est égal à Dieu et dispose de sa propre vision du monde qui découle de sa propre pensée. A quoi sert d’ailleurs de penser le monde puisqu’on l’annonce et on le prêche à son image.

Certes, ne l’oublions pas, ce système est quelque peu contradictoire. Si chaque personne bâtit son monde, il y a antagonisme, contradiction et bagarre. On déstructure une vision ordonnée pour introduire le désordre qui, dans un deuxième temps, permettra d’introduire une vision commune, l’uniformisation de la pensée individuelle.

Et notre philosophe conclut : « Face à l’autre qui ne pense pas comme moi, je ne pourrai plus discuter de ses idées parce que je n’aurai plus les outils grammaticaux. Mais je n’aurai pas, non plus, de raison de le faire puisque ses idées sont l’expression de son être, forcément mauvais puisque autre que moi qui suis bon. Les seules possibilités seront, alors, de changer ce qu’il est ; si ce n’est pas possible, de le faire taire ; en dernier recours, de l’éliminer. »

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