19/04/2013
La valse aux adieux, de Milan Kundera
Les cinq derniers jours de la vie d’une femme : Ruzena, belle, désirable et désirée. A tel point qu’elle passe une nuit avec un trompettiste de renom, Klima, venu donner un concert dans la ville d’eau où elle est employée aux bains. Elle est enceinte, sans exactement savoir de qui, du trompettiste ou de son amant Frantisek. Frantisek est plus jeune que Ruzena, il est donc, malheureusement pour lui, très jeune. Quand il sera plus mûr il découvrira la fugacité des choses et il saura que, derrière l’horizon d’une femme, s’ouvre encore l’horizon d’autres femmes. Seulement Frantisek ignore ce que c’est que le temps. Il vit depuis l’enfance dans un monde qui dure et qui ne change pas, il vit dans une sorte d’éternité immobile, il a toujours le même père et la même mère aussi, et Ruzena, qui a fait de lui un homme, est au-dessus de lui comme le couvercle du firmament, du seul firmament possible.
Klima est marié avec une très belle femme, Kalima. Mais sa jalousie lui gâche la vie. Elle mit trop de sel. Elle faisait toujours la cuisine avec plaisir et fort bien et Klima savait que si ,ce soir-là, le repas n’était pas réussi, c’était uniquement parce qu’elle se tourmentait. Il la voyait en pensée verser dans les aliments, d’un geste douloureux, violent, une dose excessive de sel, et son cœur se serrait. Il lui semblait, dans les bouchées trop salées, reconnaître la saveur des larmes de Kalima, et c’était sa propre culpabilité qu’il avalait.
Comme dans tous les romans de Kundera, d’autres personnages se mêlent à l’intrigue principale. Olga d’abord, une collègue de travail de Ruzena. Olga était une de ces femmes modernes qui se dédoublent volontiers en une personne qui vit et une personne qui observe. Jakub, père adoptif d’Olga parce que son ami, le père d’Olga, avait été condamné ses pairs dont lui-même. Je vais te dire la plus triste découverte de ma vie : les persécutés ne valent pas mieux que les persécuteurs. Je peux fort bien imaginer les rôles inversés. Toi, tu peux voir dans ce raisonnement le désir d’effacer sa Uoiresponsabilité et de la faire endosser au créateur qui a fait l’homme tel qu’il est. Et c’est peut-être bien que tu voies les choses comme ça. Parce que, parvenir à la conclusion qu’il n’y a pas de différence entre le coupable et la victime, c’est laisser toute espérance. Et c’est ça qu’on appelle l’enfer, ma petite. Enfin, il y a Bertlef, l’américain, amoureux de Ruzena, riche, piquant des colères plus ou moins légitimes : je voudrais en trinquant marier le passé et le présent et le soleil de 1922 au soleil de cet instant. Elle est, sur la toile de fond de cette ville d’eaux, comme un diamant sur l’habit du mendiant. Elle et comme un croissant de lune oublié sur le ciel pâli du jour. Elle est comme un papillon qui voltige sur la neige. Le caméraman rit d’un rire forcé : « Vous l’exagérez pas, directeur ? » « Non, je n’exagère pas. Vous en avez l’impression parce que vous n’habitez que le sous-sol de l’être, vous, vinaigre anthropomorphisé ! Vous débordez d’acides qui bouillonnent en vous comme dans la marmite d’un alchimiste !. Vous donneriez votre vie pour découvrir autour de vous la laideur que vous portez à l’intérieur de vous-même.
Quelques autres personnages : le docteur Skreta, les épouses des deux derniers. Mais le décor est planté, le drame peut survenir, imprévisible dans ses causes et ses conséquences, jusqu’à la mort.
Une fois encore, ce qui intéresse Kundera, ce sont les femmes, leur personnalité, leur originalité. Les hommes ne sont là que pour les dévoiler. Ainsi de Klima et Lalima : Elle était allongée sur le dos, la tête enfoncée dans l’oreiller, le menton légèrement levé et les yeux fixés au plafond et, dans cette extrême tension de son corps (elle le faisait toujours songer à la corde d’un instrument de musique, il lui disait qu’elle avait l’âme d’une corde), il vit soudain, en un seul instant, toute son essence. Oui, il lui arrivait parfois (c’étaient des moments miraculeux) de saisir soudain, dans un seul de ses gestes ou de ses mouvements, toute l’histoire de son corps et de son âme. Ou encore, d’Olga et de Jakub : Et elle fut soudain nue devant lui et il se disait que son visage était noble et doux. Mais c’était une piètre consolation quand il voyait le visage d’un seul tenant avec le corps qui ressemblait à une longue et mince tige à l’extrémité de laquelle était plantée, démesurément grosse, une fleur chevelue.
Cependant, on se lasse de cette histoire de ville d’eaux, d’amantes et de jalousie, et même du devenir de Ruzena qui n’est qu’un pion balloté par les opinions des autres. La langue est belle, les analyses des personnalités intéressantes, le style de Kundera toujours aussi mordant, mais l’intrigue est au fond mortellement ennuyeuse.
05:17 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, littérature | Imprimer
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