09/10/2020
L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (48)
Et Libertad, que devenait-elle ? Elle s’était toujours sentie un peu différente de ses deux sœurs, plus romantique, moins terre à terre. Elle rêvait d’espace, de temps, mais en pensant à l’être intérieur. Elle étouffait dans cette société où chacun doit être à sa place et s’y montrer au mieux de son avancée sociale. Elle était consciente de sa beauté naissante. Elle en usait pour obtenir ce qu’elle voulait, en particulier les sentiments favorables des gens qu’elle côtoyait. Depuis l’annonce de Don Rodrigo, elle ne tenait plus en place sans cependant savoir ce qu’elle pourrait faire. Elle avait d’abord rêvé aux bords du Pacifique, dans une anse abritée aux côtés de cet homme plus âgé, mais envoûtant. Elle aimait sa voix jamais impérative ni doucereuse, ses manières retenues mais pleines d’appétit de vivre, sa franchise avenante. Elle se voyait auprès de lui et sentait monter en elle des volutes de chaleur qui lui tiraient des larmes aux yeux. Elle n’osait parler à ses deux sœurs de ces émotions qui la prenaient et refrénait en elle toutes ces pensées qui lui semblaient impropres à être partagées. Mais le soir, lorsqu’elle se trouvait dans son lit, elle se laissait aller à rêver toujours de plages au sable chaud et de bras qui la serraient forts.
La nuit où elle disparut, elle ne put s’empêcher de penser à lui et elle acquit la certitude que c’était-elle qu’il voulait auprès de lui. Elle ne pouvait plus attendre, il lui fallait le rejoindre, même si elle ignorait comment tout cela pourrait se conclure. Alors, elle se leva, se prépara à partir, rassemblant quelques vêtements qu’elle mit dans un sac, ouvrit doucement la porte d’entrée et sortit sans bruit. Elle courut vers l’ouest, en direction du Rio San Pedro en se faufilant entre les feuillages. Il était tard ou plutôt trop tôt. Elle atteignit le bord de l’oued et le suivit vers le sud sur quelques kilomètres. Elle fatiguait et se sentit bientôt lasse. Mais il fallait continuer. Quand les premières lueurs du jour apparurent, elle se trouvait aux alentours de Cucuter. Elle se cacha dans un jardin, enfouie dans les feuillages et se fit une sorte de nid recouvert de branchages sous lesquels elle s’enfila et s’endormit aussitôt.
06:17 Publié dans 44. Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chiii, guerre, bolivie | Imprimer