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26/09/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (45)

L’atmosphère devenait lourde à San Pedro. La population ne traînait pas dans les rues comme à l’accoutumée. Le prêtre incitait les jeunes gens et jeunes filles à plus de retenue dans leurs échanges, le maire s’enfermait dans son bureau plutôt que de recevoir ses administrés, le commissaire faisait des rondes, accompagnant les soldats et gardait auprès du commissariat les trois policiers qui constituaient son équipage. Seules, les trois filles du capitaine vivaient comme d’habitude, riant avec insouciance, restant calmes malgré l’étonnement de leurs camarades. Emma s’attendait à plus de réaction de leur part, voire à des humeurs ou même brouilles entre elles. Elles ne modifièrent pas leur habitude et semblaient sans soucis. Elles ne se quittaient plus et leur sujet de conversation favorite était bien sûr le chilien. Emma, ce soir-là, tenta de les sonder afin de connaitre non pas leurs sentiments, mais la façon dont elles voyaient le proche avenir.

– Mes enfants, nous sommes entre nous. Parlons de ce qui nous attend. N’avez-vous pas peur ? L’une de vous trois va peut-être partir au Chili, nous ne la reverrons probablement plus.

– Oui, mais c’est préférable au fait de tous mourir au fil de l’épée, répondit Abigail.

C’est vrai, mais ce n’est pas pour cela que ça devient réjouissant. 

– N’est-ce pas un sort enviable que de se marier avec un notable, fut-il chilien ?

– Certes, mais ce n’est pas l’avenir que nous envisagions pour vous. Et puis, j’ai peur de vos réactions entre vous, que ce soit par le fait de celle qui sera choisi ou des deux autres qui resteront. La jalousie ou le désespoir ne font jamais bon ménage.

– Maman,  nous nous sommes jurées que quoi qu’il arrive, nous resteront unies entre nous et avec vous nos parents. Il ne faut pas vous inquiéter.

– Je souhaite que tout se passe ainsi, mais que va-t-il advenir ? Notre sort est entre les mains de cet homme et nous ne le connaissons pas. Ce n’est guère rassurant.

– il semble droit et a réussi à convaincre le commandement, dit Ernestina.

– C’est possible, répliqua Emma. Mais rien ne nous l’assure. Il pourrait également être homme à s’amuser sans prendre en compte ce qui pourrait advenir. Quoi de plus drôle que de jouer ainsi avec les sentiments des gens tout en sachant qu’ils devront s’exécuter en raison des conséquences en cas de refus.

Maman, dit Abigail, croit-nous, nous sommes sûrs que nous nous en sortirons.

Emma les regarda, vit la  confiance dans les yeux de ses trois filles et se sentit rassurée.

– Aller, les filles. C’est l’heure de se coucher, leur dit-elle. A demain.

– A demain, répondirent-elles en l’embrassant.

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