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05/12/2019

Locédia, éphémère (41)

Tu te levas alors pour explorer l’appartement, curieuse de ce nouvel espace que ton ignorance rendait extravagant. Je t’accompagnais dans chaque pièce, écoutant ton babillage, commentaires pleins de drôleries sur les objets journaliers que je ne voyais plus. Cette exploration me dépouillait progressivement de mes réticences à me livrer à tes manipulations enchanteresses. Nous revînmes au salon et tu me donnas tes lèvres pleines, entières, gonflées d’une volonté nouvelle que je n’arrivais pas à cerner.  Après quelques instants d’une intimité inexprimable, tu rompis l’ensorcellement en me demandant si tu pouvais prendre un bain. J’avoue avoir été surpris par cette demande, inhabituelle pour quelqu’un qui vient pour la première fois dans l’espace d’intimité de la vie quotidienne d’un être qu’il connaît peu. Je t’accompagnais à travers les couloirs et escaliers menant à cette salle donnant sur une cour intérieure. Elle était encombrée, biscornue, avec une baignoire légèrement écaillée par nos jeux d’enfants, lorsque notre mère nous faisait attendre pour aller dans la cuisine surveiller l’ébullition d’une casserole. Je te donnais une serviette de bain, t’embrassais à nouveau, pensant que ton corps allait être offert à la grande glace qui permettait aux coutumiers de la maison de s’habiller de pied en cap et de se voir dans la totalité de leur densité. Avant que je ne te quitte, tu avais regardé le luminator qui se trouvait dans un autre recoin de la salle de bain. Il dispensait une douche de lumière étincelante, tombant en pluie sur le corps dévêtu, le revêtant d’optimisme pour la journée. Avant d’y pénétrer, il fallait prendre soin de se laver entièrement, puis de se sécher soigneusement sous peine de brûlures graves. Mais lorsqu’on se donnait aux éclats coupants et crus des jets propagés par les milliers de petits trous pratiqués dans la poignée, on oubliait la tiédeur habituelle d’un quotidien insipide pour plonger dans un vide rafraîchissant. Je vis ton regard sur la machine, je vis la brève étincelle d’envie qu’il contenait et te dis que tu pouvais t’en servir, à condition que tu respecte bien les consignes écrites suspendues au dessus de la porte d’entrée en verre opaque.

Tu avais déjà commencé à te déshabiller, relevant ta robe après avoir posé ton pied sur la baignoire. Je te regardais remonter tes mains jusqu’au creux de ta cuisse pour saisir la naissance du bas et l’enrouler autour de ta jambe, lentement, avec application. Et progressivement se dévoilait l’intimité de tes mouvements, de ce qui te permettait de courir et de danser sans souci, tes cuisses fermes et légères, tes genoux fragiles, émouvants, libérés du tissu bouffant du bas de ta tenue, et ton pied, discret, menu et animé. Tu me regardas, sans rien dire, un sourire aux lèvres et me dis :

_ Vas. Je me fais belle pour toi, pour que ton regard soit plus sûr et que tes gestes se libèrent. Je te veux pour moi seule, pure, peut-être pas vierge, mais soumise à mon étonnement devant ton assiduité. Je te veux, présent d’une consistance réelle, comme le pain à table ou la cigarette fumante sur le rebord du cendrier.

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