29/10/2019
Locédia, éphémère (32)
J'ignore combien de temps dura cette trajectoire vers ton retour, vers le vide de tes bras ouverts. A la sortie, je fus ébloui par la présence du soleil qui tombait en oblique sur le trottoir. J'étais émerveillé par la réalité de la ville qui m’avait semblé un moment n'exister que dans l'imagination de la foule enfouie dans des couloirs sans fin. Quelques minutes à l'intérieur du sol, à l'intérieur d'une machine sans communication avec la véritable nature de la surface terrestre, qu'elle soit vierge ou entièrement corrigée par la main des bâtisseurs, donne l'illusion des souffrances de l'éternité. Le temps se fige par une glaciation soudaine, un grippage inattendu de toutes les horloges ainsi que des planètes sur lesquelles se règlent celles-ci. J'aurais pu te revoir, Locédia, mais je me suis figé dans une cage capitonnée. J'allais te revoir, frôler tes cheveux, baiser longuement tes mains, caresser ton visage et l'élever entre mes paumes comme une offrande vers le ciel. Tu te laisserais immoler, esclave, reine, parée de ta beauté. Tu me demanderais d'une voix d'enfant : « Est-ce que tu m'aimes ? »
Je t'aime et je monte vers toi dans la rue éblouissante, silencieuse. La ville n'avait qu'une rue. Elle n'avait plus qu'une maison et je me pénétrais de la fraicheur de l'entrée. La lourde porte se refermait d'elle-même. La même lueur diffuse était propagée des lucarnes bancales vars la cage d'escalier qui répandait la même odeur de cire et de vieux cuir. Les marches avaient dû être allongées depuis ma dernière visite. Peut-être la maison avait-elle grandie ? J'aurais dû regarder au dehors si la longueur de son ombre atteignait encore le crâne lisse des bustes de carton bouilli dont le chapelier se servait pour exposer ses casquettes sur le trottoir d'en face. Peut-être était-elle montée à hauteur du premier étage, au dessus de l'enseigne, jusqu'à cette fenêtre où nous avions vu une femme dévêtue injurier les passants, quelques vieillards et enfants qui se rendaient au jardin ? Peut-être aussi m'étais-je rapetissé en traversant les couloirs étouffants du métropolitain ? Fort heureusement le tapis rouge m'empêchait de glisser et je m'aidais de la rampe de fer forgé, bien que l'inclinaison des escaliers au milieu de la cage fût impressionnante. A la fin de chaque étage, au niveau d'un palier, je devais me tirer vers l'autre côté des marches, celui qui était contre la cloison, car leur étirement s'accentuait pour rejoindre le chemin perdu avant de retrouver l'horizontalité.
07:31 Publié dans 44. Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, roman, amour, recherche de soi | Imprimer
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