29/10/2011
Détachement et plénitude
Quel étrange émerveillement et quel appréhension de se retrouver, adolescent, dans un lieu aimé, la maison familiale, seul.
Emerveillement d’abord : Vous profitez de la vie, pleinement, courant de ci de là, touchant les objets interdits, rêvant le matin dans votre lit jusqu’à des heures indescriptibles aux autres, vous soulevez le couvercle du piano et vous laissez aller à une mélodie inconnue, vous ouvrez un livre de la bibliothèque habituellement fermée à clé et vous plongez dans des lectures jusqu’ici interdites, vous vous faites un sandwich en milieu de matinée au lieu d’attendre sagement l’heure du déjeuner et, quand celle-ci arrive, vous ne pensez plus à votre faim, occupé par d’autres propositions importantes telles que sortir la canne à pêche parce que vous avez vu sauter un poisson dans la rivière ou encore partir en bicyclette vous promener dans la forêt.
Mais dans le même temps vous ressentez une appréhension qui ne concerne pas le présent. Vous vous imaginez dans quelques années et vous considérez ces biens accumulés, ces objets entassés, ces souvenirs effleurant votre mémoire. Comment pouvez-vous bien faire pour que cela arrive, pour qu’un jour vous vous retrouviez avec des objets, différents, mais chéris de la même façon, avec une maison, si petite soit-elle, avec une vie empaquetée dans un périmètre défini, clos, vous appartenant ? Par quel miracle réussissez-vous à rassembler ces souvenirs qui sont d’abord des acquisitions ? Et vous êtes pris d’une appréhension devant la vie, d’une inquiétude pour vos capacités à faire de même, d’une crainte d’un avenir difficile où il faut travailler, travailler encore pour arriver, misérablement, à collecter de quoi subsister, puis de quoi vivre, puis de quoi s’épanouir, en pleine connaissance de cause.
Et progressivement, sans heurt ni évènement particulier tout ceci survient imperceptiblement. Mieux encore, vous connaissez le paradis grâce à une présence à vos côtés qui vous réjouit pour la vie. Et celle-ci s’écoule, de manière hachée si l’on considère chaque jour, avec sérénité si l’on considère les années.
Quel étrange sentiment quand vient le temps où tout ceci n’a plus d’importance, où seul reste ce qui vous lie à d’autres humains, à commencer par votre propre famille. Vous disposez de tous ces biens et vous devenez conscient que tout ceci importe peu. Votre richesse est dans l’instant, déconnectée des objets accumulés. Elle est dans votre compréhension de chaque moment, pleinement, sereinement, même si, toujours, vous êtes poussé à réaliser, à créer, à aimer. Mais vous le faites dorénavant avec recul, vous regardant agir pour mieux en profiter.
Et le soir venu, vous accumulez dans votre mémoire secrète ces instants merveilleux où vous vous êtes vu entreprendre ce que vous aviez toujours souhaité, mais que vous n’avez jamais eu le temps de faire. Et vous vous dites : « Quelle heureuse vie j’ai eu et quel est mon bonheur lorsque j’entame une activité rêvée que je peux maintenant accomplir ! »
Ainsi, vous songez à tout ce que vous voulez faire et vous rendez compte que, probablement, votre vie n’y suffira pas, mais vous l’aurez vécue pleinement, dans la joie de la création. Mais surtout, ne jamais se dire, j’ai fini ! Il y a toujours à créer, chercher, découvrir, concevoir. C'est ça la vie !
03:38 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vie, accomplissement, littérature, plénitude | Imprimer
Les commentaires sont fermés.