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30/07/2011

L’année dernière à Marienbad, film d’Alain Resnais

 

L’année dernière à Marienbad 1 :

http://www.dailymotion.com/video/xa92dg_l-annee-derniere-a-marienbad-1_music

L’année dernière à Marienbad 2 :

http://www.dailymotion.com/video/xa93fl_l-annee-derniere-a-marienbad-2_music

L’année dernière à Marienbad 3 :

http://www.dailymotion.com/video/xa95yk_l-annee-derniere-a-marienbad-3_music

L’année dernière à Marienbad 4 :

http://www.dailymotion.com/video/xa96hp_l-annee-derniere-a-marienbad-4_music

L’année dernière à Marienbad 5 :

http://www.dailymotion.com/video/xa96uq_l-annee-derniere-a-marienbad-5-fin_music

 

D’un autre siècle, cet hôtel immense, luxueux, baroque, empli de couloirs, de galeries, surchargés de décors de stucs, de miroirs, de glaces noires, débouchant sur des salons déserts, surchargés, aux tapis lourds, épais, silencieux. Les personnages sont figés, rêveurs, les yeux fixes, ne regardant rien, indifférents. Et pourtant, ils réagissent à la fin du spectacle qu’ils regardaient : applaudissements, brouhaha des voix ; mais très vite tout se fige à nouveau, comme des pauses silencieuses, accompagnées d’un morceau d’orgue. Et bientôt, l’hôtel semble s’endormir lentement dans des conversations à deux, homme et femme. Mais la vie continue dans les salons auparavant silencieux, toujours en conversations saisies au vol, sans continuité.

 

Après l’introduction au jeu de Nim où toujours perd celui qui ne connaît pas l’astuce, on fait connaissance des personnages principaux du film : une jeune femme, Delphine Serig, belle, à la voix enjôleuse, mais légèrement agaçante ; un homme, Giorgio Albertazzi, de la même taille, séduisant, qui s’efforce de lui rappeler ce qui s’est passé l’année dernière à Marienbad et qui lui fait la cour ; un autre homme, Sacha Pitoëff, plus grand, également séduisant, dont on découvrira qu’il est le mari de la première et qui gagne toujours au jeu de Nim. La femme erre dans les décors, monte des escaliers, s’esquive, reprend le contact, mêlant deux moments et deux lieux, l’hôtel du présent  et celui de Marienbad, voire d’autres. Tous ces fantômes se déplacent dans le décor, tantôt conversant à voix basse, tantôt silencieux, tels des spectres glaciaux, mais malgré tout attachants et même, parfois, vivants.

_ Que voulez-vous donc, vous savez bien que c’est impossible… Laissez-moi, je vous en supplie, dit-elle à celui qui lui fait la cour et dont on ne connaîtra pas le nom. Il l’accompagne cependant au concert, malgré l’intervention de l’autre personnage. Ils s’y tiennent comme deux étrangers. Puis retour à l’hôtel, dans les salons silencieux, et jeu d’attitudes entre la femme et l’homme, avec la remémoration de ce qui a peut-être existé auparavant, en un autre lieu, un autre temps, l’année dernière à Marienbad. Mais elle garde toujours une certaine distance :

_ Approchez-vous, plus près, lui dit-il.

_ Laissez-moi.

_ Et pourtant vous êtes là, à portée de ma main.

_ Pourquoi moi ?

_ Vous m’attendiez.

_ Non.

_ Il s’agit de votre vie, la vôtre. Debout devant moi, attendant peut-être, immobile, les bras le long du corps, vos lèvres un peu disjointes, vous avez peur !

_ Tout cela est faux, je ne connais pas cette chambre, il n’y a pas de glace au dessus de la cheminée. Je ne sais de quelle chose vous parlez. Je n’ai jamais été avec vous dans cette chambre. Vous inventez, je suis sûre que vous inventez.

_ Je vous ai regardé, je vous aimais, vous étiez vivante.

Et elle s’enfuit, une fois de plus.

 

Retour au dialogue entre elle et lui :

_ Vous m’avez demandé de vous laisser une année entière, pour me mettre à l’épreuve. Je viens maintenant vous chercher.

_ Non, non, c’est impossible.

Vision de l’année dernière à Marienbad : Seule dans sa chambre. Il explique ce qu’elle fait, mais elle-même fait autre chose, elle tourne autour de la chambre, doucement, frôlant les murs et les miroirs, alors qu’il lui dit :

_ Et vous êtes retournée vers le lit. Ecoutez-moi ! Pourquoi vouloir toujours vous échapper.

Les souvenirs se mélangent, il tente de se remémorer, mais il est incertain, il ne se souvient plus lui-même.

 

Ils se cherchent, ne se trouvent pas. Elle ne sait ce qu’elle veut. Elle craint son mari. L’histoire a commencé il ya un an, dans une architecture en trompe l’œil, entre un miroir et des colonnes, dans une chambre toujours ouverte.

Elle doit le retrouver à minuit. Il vient. Elle était là, assise sur une chaise, au pied de l’escalier, belle. Elle se lève, il la suit, dans l’hôtel de colonnes et d’escaliers. Ils sortent dans le parc, où ils se perdent dans la nuit tranquille, elle, seule avec lui.

 

 

Consacré Lion d’or en 1961 au festival de Venise, c’est le second film d’Alain Resnais, réalisé à partir du scénario d’Alain Robbe-Grillet. Ils recherchaient tous deux une nouvelle expression cinématographique, sortant des habitudes, comme le nouveau roman s’efforçait de renouveler le roman traditionnel. Le temps tient un grand rôle dans le film. Ce sont de perpétuels changements de temps et de lieux tout au long du film qui font qu’au bout de quelques minutes, on ne sait plus où l’on est et à quel moment. Le début du film est conçu pour envoûter le spectateur : travellings et panoramas donnent la dimension physique de l’espace. Les commentaires du narrateur qui répète pratiquement toujours la même chose d’une voix monocorde, ainsi que la musique d’orgue, qui accompagne ces descriptions, sont là pour tromper la perception de la durée. Il ne s’agit pas d’une histoire que l’on raconte d’une façon linéaire, mais d’une rêverie de l’imaginaire qui relie entre eux différents temps et différents lieux. La femme n’y croit pas et refuse les prétendus souvenirs de l’homme. Et pourtant elle se laisse prendre au jeu, au point, à la fin du film, de céder à la demande de son admirateur.

Et pourtant, on finit par douter comme la jeune femme de la réalité de ce que raconte l’homme, de ce qui s’est passé l’année dernière à Marienbad. On peut penser qu’Alain Resnais joue avec le spectateur. Il veut le contraindre à fabriquer sa propre compréhension du film, sans rien imposer. Il bâtit le décor, les personnages, certains faits et c’est au spectateur de les relier ensemble, de les animer pour faire dire au film ce qu’il veut entendre et comprendre.