12/02/2022
Intimité
Comme chaque jour, je cours. Cela m’envole la tête, écrase mon égo et oxygène le corps jusqu’à le rendre transparent.
Ce matin, j’arrive devant une maison connue, abandonnée loin du village, toujours fermée sauf l’été. Je contourne un des communs et tombe sur une biche immobile, à tel point qu’elle semble une sculpture plutôt qu’un être réel. Elle est à quinze mètres. Elle me regarde et ne bouge pas. Je m’arrête et fais de même. Nous nous regardons, deux êtres, seuls au monde. Plus rien n’existe, seuls, elle et moi. Elle ne s’affole pas et reste impassible. Cela dure une minute, deux minutes.
Puis, elle se met à vivre. Elle se lèche le flanc, caresse quelques mèches de son dos, comme si je n’existais pas. Elle est seule au monde, dans un instant de solitude heureuse, accomplissant ses gestes avec sérénité. Elle est tout entière à son animalité, belle d’innocence.
Elle ne bouge toujours pas. Elle regarde soudain. Je ne bouge pas. Nous nous regardons, sans un bruit. Alors, elle se couche dans l’herbe et semble me dire : je n’ai pas peur. C’est ma vie, pleine et entière, faite d’instants de recueillement devant la beauté de l’univers. Fais-toi transparent toi aussi.
Soudain, en un éclair, elle se lève et fuit, comme tout animal surprit dans sa vérité, trois ou quatre minutes de communion naturelle, dans un moment hors du temps.
03:26 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paradis, intimité, regard, effacement | Imprimer
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