01/05/2018
Blocage
Avouer l’impensable, oser dire ce vide immense qui s’est emparé de moi, me laissant exsangue, oscillant entre l’humeur aigre et un réconfort fluet et mal venu.
Cela m’est déjà arrivé et c'est un retour mal venu. De longs moments inexistants, un léger dessèchement dans la bouche, entraînant un manque de fraîcheur qui laisse éperdu et sans fond. Plus rien ne veut sortir de cette tête qui m’a toujours soutenu par des inventions loufoques et, parfois, luxuriantes. Une étincelle suffisait : un mot, une phrase, un son, une image lançaient la machine bien rodée et ouvraient les vannes de l’imagination débordante. Le mot ou la phrase engendraient d’autres mots, d’autres phrases et finissaient par former un texte plein de surprises que je ne comprenais que plus tard, le soir, au creux d’un lit ou au matin, lorsque je courais dans le froid du printemps. Je vais désespérément du bureau au piano, du piano au pinceau et, de nouveau, du pinceau à l’ordinateur. La fièvre est dans le déplacement de l’un à l’autre, mais plus dans le soulagement de ce calme de l’étape, qui donne à la vie sa faconde et le bonheur de créer. Quand reviendront ces instants de fébrilités transcendantes qui élèvent l’âme et donnent la souplesse des vieux cuirs.
Conséquence imparable, le nombre manquant manque bel et bien : comment poursuivre cette aventure à peine commencée alors qu’un trou s’est ouvert devant mes pieds, empêchant toute avancée. Je ne peux même pas sauter dans le vide. Il n’est que néant et ne porte plus, même le poids des pensées qui s’échappent sans rien produire d’autre qu’un sifflement strident sans signification. J’ai perdu mon âme. Le corps tient toujours, il court derrière elle, à petits pas bordés d’amertume, sans pouvoir la rattraper. Il ne sait même plus où elle est passée. C’est un poids que cette recherche vaine qui occupe sans solution les transports d’une activité à une autre sans jamais s’y fixer.
Alors je vais inaugurer un nouveau quartier, une nouvelle aventure, sans certitude d’aller au bout. Mais que faire d’autre ? Le nombre est réellement manquant, impuissant à combler ce vide qui m’a envahi et me gangrène. Demain sera un autre jour, mais me permettra-t-il de survivre ?
07:38 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : acédie, découragement, absence | Imprimer
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