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10/02/2017

L’essence de Pierre Heurtebise de Praguilande (5)

Rentré chez lui, épuisé, il ne put trouver le sommeil. Est-il possible qu’une droite quelconque devant une source lumineuse crée une ombre dont la direction varie sans que la source change de place ? Quel fait étrange et surtout impossible. Et pourtant ? C’est bien ce qu’il avait vu de ses propres yeux par deux fois. Est-ce possible ? Possédant une importante bibliothèque accumulée au fil des ans d’infirmité, il se plongea dans les livres d’astronomie. Il ne trouva rien qui donne une explication raisonnable à ce phénomène. Il aborda les quelques livres de cosmologie qu’il possédait sans trouver d’autres explications intéressantes. La mécanique restait la mécanique et ne pouvait envisager des événements qui n’étaient pas conformes aux lois de la nature et plus particulièrement aux lois de la physique. Il se plongea alors dans un livre d’ontologie, c’est-à-dire la science de l’être. Aristote, constata-t-il, définissait l’ontologie comme « une science qui étudie l'être en tant qu'être, et les attributs qui lui appartiennent essentiellement. Elle ne se confond avec aucune de ces sciences particulières, car aucune de ces autres sciences dites particulières ne considère en général l'Être en tant qu'être, mais découpant une certaine partie de l'Être c'est seulement de cette partie qu'elles étudient l'attribut ». Il en conclut qu’il ne pourra trouver de réponse à son interrogation qu’en intégrant ensemble toutes les sciences traitant de la matière et celles traitant de l’être, c’est-à-dire la philosophie, la morale, la spiritualité et même la psychologie, un terme nouveau formé par le savant croate Marko Marulic, un humaniste quasi contemporain qui écrivit le traité Psichiologia de ratione animae humanae[1]. Comment joindre ensemble ces différentes visions du monde s’avéra la question cruciale pour trouver l’explication à l’événement. La seule valable, mais invraisemblable, pensa-t-il soudain, était que la matière contient en elle-même une pensée ou une volonté indépendante qui lui permet en certaines occasions induites par un événement particulier, de se manifester à l’encontre des lois naturelles.

Il s’endormit sur ces pensées ayant l’ impression d’avoir survolé la structure du monde sans toutefois pouvoir en tirer des conclusions intéressantes. Il rêva d’un jeu compliqué dans lequel des billes s’enroulaient autour d’autres billes et, parfois, s’entrechoquaient avec des éclatements secs et impressionnants. Il ne vit pas le joueur, mais aperçut un doigt qui semblait guider certaines de ces billes vers des lieux où elles n’auraient pu aller autrement.

 

[1] Livre de la fin du XVe siècle dont les quelques exemplaires ont été perdus.

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