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05/10/2018

Ephistole Tecque (8)

Il avait passé de nombreuses heures à contempler, toucher et retourner chaque nouvelle pièce de sa collection. Il en connaissait parfaitement le volume et pouvait de mémoire en reproduire les formes diluées dans la masse. Cette connaissance faisait appel à l’espace visuel du caillou et à son espace tactile. Il savait qu’il devait écarter le pouce de l’index d’une distance qui correspondait à une certaine tension de la peau et des muscles se profilant au-dessous. Il apprenait à connaître chaque contour des veines bleutées ou rosâtres qui courraient à la surface du caillou. Il y trouvait la preuve de la vitalité interne de la pierre et de sa possibilité de rayonnement sur l’environnement. Il y attachait une grande importance, malgré la difficulté qu’il ressentait à ne pas s’identifier complètement à la perception qu’il avait du caillou. Plaisir anodin, car au fond, qui de nous n’a pas éprouvé un tel ravissement à contempler un objet quelconque, le plus simple soit-il, le plus rapproché même de la neutralité de la matière, jusqu’à s’en imprégner les sens et épuiser le pouvoir illégitime qu’il a parfois sur nous.

Ne vous êtes-vous pas surpris un jour, sans pouvoir en analyser parfaitement les mobiles, à ramasser le matin d’un jour semblable aux autres un de ces galets amenés dans la nuit par les vagues jusqu’aux limites de la marée sur le rivage et que la mer aurait abandonné comme un objet font elle n’a plus besoin ? Ce galet, vous l’avez inconsciemment mis dans votre poche et vous en avez moulé les formes avec votre paume dans les profondeurs du vêtement jusqu’à votre retour chez vous pour le poser quand vous avez eu besoin de votre main ou quand vous avez voulu mettre un objet plus utile dans votre poche. Vous l’avez déposé dans un endroit quelconque et ne l’avez retrouvé que quelques jours plus tard pour le jeter dans la poubelle ou l’enfouir dans un fond de tiroir où il repose encore.