15/12/2011
Deyrolle : mystérieux magasin, musée, librairie…
La maison Deyrolle possède le mystère des cabinets de curiosité. Elle est située rue du Bac, au 46. Le magasin semble au premier abord petit. C’est la boutique du Prince jardinier, créée par Louis Albert de Broglie, « nature et découverte » en plus beau, au rez-de-chaussée. On y trouve de très beaux cache-pots, des outils pour le jardinage, etc.
En fait, il faut monter l’escalier en face de la porte pour arriver dans un petit Versailles des animaux. Un salon vert d’eau, disposant d’un grand lustre, environne une multitude d’animaux empaillés : ours, crocodile, zèbre, fauves, etc.
Vous voici projeté en Afrique, dans les savanes chaudes et ondulées, et vous marchez parmi les rois de l’univers, lorsque les hommes n’étaient encore que de pauvres réfugiés dans des grottes introuvables. Ce n’est pas la beauté de chacun d’entre eux qui retient l’attention. C’est le contraste entre un Paris du XXIème siècle, plein de pétarades d’outils à moteur, et ce salon digne des plus beaux châteaux abritant l’Afrique et d’autres continents avec la sagesse que donne le poids des années. La maison Deyrolle est en effet ouverte depuis 1831. On y entre comme dans un couvent, avec componction et respect. Le premier choc passé, on s’avance et l’on découvre, au premier étage, une enfilade de trois grandes pièces, aussi encombrées les unes que les autres d’animaux de tout horizon, empaillés (du renard des sables au héron cendré en passant par l’antilope ou le buffle), formolés (pour les insectes et papillons), démontés pièce par pièce (pour les crustacées), organisés en bataillon d’envahisseurs des yeux égarés devant tant de débordements animaliers.
L’émerveillement, la stupeur et l’admiration sont vos premières impressions. Vous avancez à pas lents, regardant de tous côtés, vous heurtant à une panthère, lui demandant pardon, manquant de marcher sur les pieds d’un élan, entamant une conversation muette avec un poisson, caressant inconsciemment les coraux exposés.
Vous étouffez de cette profusion admirable et vous dirigez vers la pièce du fond dont vous devinez qu’elle est différente. Consacrée au monde marin et aux insectes, celle-ci est couverte de bibliothèques vitrées emplies de planches où foisonnent mille carapaces, deux mille ailes de toutes couleurs, trois mille gastéropodes marins. Elle renferme également des meubles à tiroirs immenses cachant de nombreuses autres merveilles que seuls les initiés peuvent admirer. Les clients parlent avec douceur, les employés, semblables à des gardiens de musée, manient avec milles précautions ces trésors. On s’attend à les voir avec des gants blancs à l’égal des vendeurs d’une célèbre marque de parfum (mais leur unique gant est noir).
Après la suffocation devant ces multiples détails de la nature, vous allez dans la bibliothèque, sorte de couloir parallèle à la pièce du milieu, et vous découvrez (et oui, encore) une autre spécialité de Deyrolle, les planches pédagogiques utilisées pendant des décennies par tous les instituteurs de France et des colonies. L’éducation par les yeux : qui de nous ne se souvient pas des planches cartonnées suspendues sur les murs de la classe, détaillant le corps humain ou la machine à vapeur. Et cette activité continue, orientée vers la sacro-sainte écologie et le développement durable, sans ostentation cependant.
Enfin, vous achevez ce tour d’horizon dans des livres enchanteurs tels que les « herbiers... oublié… toxique… érotique… fantastique… boisé… voyageur… », les monstres marins, les bestiaires, ou encore les leçons de choses, les cabinets de curiosité, le bestiaire sauvage et bien sûr le calendrier Deyrolle. Quelle évasion de l’esprit. Vous n’avez plus les pieds sur terre, vous planez comme un fantôme sur le monde réel et imaginaire et vos pensées s’envolent dans toutes les directions, comme pourraient le faire, en rêve, les papillons cloutés sur leur cimetière de planche dans la pièce du fond.
Au bout d’un long moment, vous vous réveillez : « Suis-je bien à Paris ? » Alors vous vous décidez à sortir de ce cloître de la mémoire des êtres vivants. Vous redescendez l’escalier, regardant une dernière fois les lions, autruches ou flamands roses, et ressortez en somnambule dans un Paris encombré de voitures et de passants qui ignorent sans doute les trésors entassées à côté d’eux. Que de surprises réserve Paris !
Voir le site internet de la maison Deyrolle, d’où proviennent les photos qui sont interdites dans le magasin :
http://www.deyrolle.fr/magazine/
Mais aussi, pour les assoiffés du développement durable :
http://www.deyrollepourlavenir.com/
06:05 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
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