01/03/2017
L’essence de Pierre Heurtebise de Praguilande (9)
Il les avait parcourus du temps de sa jeunesse, chassant et braconnant de nuit, dédaignant le passage de sangliers ou de chevreuils, jusqu’à rentrer au petit matin, la gibecière bien fournie de quelques lièvres pris au collet et d’un faisan attrapé à la glue. Il n’avait donc nullement peur de ces bois qui lui rappelaient ses tendres années lorsque, dans le même temps, il louchait du côté de la ferme Sébastien où se tenait, éveillée, la grande Germaine, aux cheveux blonds. Il se souvint qu’il sifflait un air d’oiseau (lequel ? Il ne se savait plus) et qu’elle le rejoignait dans le noir, sautant de sa fenêtre qui se trouvait à presque deux mètres du sol. Là, il la prenait par la main et il s’enfonçait dans l’obscurité, marchant en silence, puis se serrant l’un contre l’autre, jusqu’au moment où ils s’arrêtaient sans pouvoir lutter contre le désir qui s’emparait d’eux et les rendait presque fous. Elle se laissait aller contre son corps, son visage à hauteur du sien, cherchait sa bouche et la pénétrait avec douceur de sa langue semblable à une guimauve que l’on mange les jours de fête. Lui ne prenait jamais l’initiative. Mais lorsqu’elle avait commencé, il n’était pas en reste. Il glissait sa main sous sa chemise, caressant son dos au grain délicat, puis remontait jusqu’aux aisselles pour passer devant, là où sa féminité le transportait en rêve, dans une fermeté et une douceur sans pareilles. Il s’attardait longuement sur cette pomme offerte, chaude, de la taille de ses mains, avant de saisir entre le pouce et l’index une pointe tendue, gorgée de bonheur et de désir. Une fois, il avait souhaité poursuivre ses investigations à hauteur de la taille, en glissant trois doigts entre la ceinture et un ventre rentré. Mais elle s’était écartée brusquement, poussant un petit cri craintif, agitant son corps jusqu’à ce que ses doigts se fussent dégagés de cette emprise délicieuse. Ces quelques secondes soulevèrent en lui des rêves enchanteurs, des fantasmes cuisants, un souvenir exaltant. Que se cachait-il sous cette jupe virevoltante qu’il contemplait les jours de messe quand elle arrivait avec ces parents sur le seuil de l’église et qu’elle prenait place dans son banc attitré ? Cela le tracassa longtemps, mais il ne put jamais, du moins en ce qui concerne Germaine, accéder à ce lieu rêvé qui se résumait à un paradis inaccessible.
07:00 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, fiction | Imprimer