La fin de l'histoire (3) (10/12/2015)

Il y avait bien de temps à autre des manifestations de conscience individuelle qui différaient de la conscience collective. Mais les personnes qui tentaient de penser autrement étaient aussitôt prises de fièvres ou de nausées et ne pouvaient plus se nourrir correctement. C’était aujourd’hui le cas de Nicéphore et il n’arrivait pas à lutter contre ces symptômes révélateurs. Pour éviter une hospitalisation, il décida de partir loin de la civilisation. Il prit un billet d’avion pour Tombouctou où il espérait trouver une grotte lui permettant de vivre isolé de façon à éviter toute dénonciation. Certes, il n’était pas le premier à essayer cette stratégie de l’isolement. Mais il ne savait pas ce qu’étaient devenus les gens qui l’avaient tentée. Aujourd’hui, il risquerait lui-même cette manœuvre pour voir ce qui allait subvenir. C’était l’inconnu. Il voulait savoir de que signifie penser par soi-même d’une manière différente. Il n’avait pas conscience de se rebeller. Simplement, il voulait tenter l’expérience et avait préparé avec soin son sac à dos. Un duvet, un savon, deux gourdes en plastique, un rasoir et un tube de mousse à raser, une chemise et un pantalon de rechange, quelques sous-vêtements et une paire de chaussures qui compléterait celle qu’il avait aux pieds. Ah oui, également un traducteur automatique assez perfectionné qui traduisait instantanément d’une langue dans une autre avec une voix mécanique qui certes manquait d’élégance, mais permettait de converser facilement avec tout un chacun. Il avait pris soin de ne rien prendre qui puisse donner l’éveil aux policiers chargés de fouiller les voyageurs pour découvrir des objets compromettants.

– Monsieur, montrez-nous votre sac, s’il vous plaît.

– Voilà, dit-il.

– Qu’allez-vous faire à Tombouctou ? lui demanda un des policiers plus curieux.

– Je vais faire des recherches géologiques, c’est mon métier, répondit-il. Nicéphore avait en effet passé brillamment un doctorat de géologie et avait travaillé pour l’industrie pétrolière à la recherche de présence d’indices.

– Bien, passez Monsieur.

Nicéphore ne cherchait pas à tromper les policiers. Il disait la vérité et agissait de façon normale sans être véritablement conscient de ce qu’il faisait.

Atterrissant à Tombouctou, il chercha aussitôt un guide capable de l’emmener dans le désert et de l’aider à trouver une grotte pouvant l’abriter de la chaleur. Il rencontra Mohamed, un petit touareg au visage rieur, avec qui il conclut le marché. Il prit un peu de temps pour voir la grande mosquée, le plus grand monument en terre du monde, paraît-il, dans une ville également de terre et de ciment. Plus d’affrontements… La fin de l’histoire est également passée par là. Les religions existent encore, mais le prosélytisme est banni. Elles ont une fonction sociale et culturelle, voire, dans certains cas, psychologique, assez proche de la spiritualité. Celle-ci n’est pas interdite, mais elle n’est qu’individuelle, plus à des fins sanitaires que pour annoncer l’existence de Dieu et changer les êtres. Si chaque homme est libre d’une aventure religieuse, celle-ci ne peut être que dans un consensus social que tous agréent.

07:28 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, société, individu, liberté |  Imprimer