Locédia, éphémère (60) (19/02/2020)
Locédia, pourquoi n'ont-ils pas encore fermé tes yeux, ces yeux inertes que tu tiens ouverts désespérément vers le lit, sous le lit vers lequel sont tendus tes bras, comme un geste rituel esquissé, mais que tu n'aurais pas osé accomplir complètement, comme un sacrilège ébauché.
_ Monsieur le commissaire, je vais vous expliquer…
Je parle à un crâne arrondi, à des cheveux noirs que j'aperçois dans la glace accrochée au-dessus du lavabo dans un coin de la pièce. Un des pitons qui la maintiennent au mur est parti et elle s'affaisse un peu vers le lavabo. Est-ce bien toi qui t'étais amusée à écrire d'une écriture enfantine avec du rouge à lèvres sur le coin opposé de la glace A-M-0-U-R. Chaque lettre détachée, unique, seule, comme une lente décomposition du langage, du mot répété jusqu'à ce qu'il ne semble plus rien signifier, comme un de ces mots qu'on invente le soir avant de se coucher et qui obsède la pensée jusqu'à la venue du sommeil.
Amour, une fleur de papier transperce ton sein et égaie lamentablement ta robe bleue remontée un peu au dessus du genou. J'ai tout à coup envie de les caresser une dernière fois, d'imprégner ma paume de leurs formes, puis de rabattre doucement ta robe. Mais je suis trop fatigué.
_ Monsieur, si vous voulez bien me suivre, vous vous expliquerez au commissariat.
FIN
07:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, amour, recherche de soi | Imprimer