Locédia, éphémère (49) (07/01/2020)

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Retour dans la vie qui pétille et s’offre à l’être en dehors de toute arrière pensée. Reprise du travail passionnément, malgré un climat maussade. La pluie rouge descend du ciel, appauvrissant le paysage d’une couleur brique, d’une poussière pourpre qui pénètre sous les portes et vient jusque dans les lits, les couvrant d’une fine pellicule. Je te voyais déjà dans ta chambre, perchée sur ton lit, luttant désespérément face à cette invasion de résidus avec un masque de voile blanc sur le visage. Mais rien, rien ne m’y autorisait. Tu étais absente, loin de ma présence, loin de mes rêves, hors d’une réalité arrachée au climat.

Aussi un soir, ai-je été tenté, avec deux amis, d’aller boire quelque chose au café des glaces tournantes. Attraction de notre ville, il projetait ces clients dans leurs souvenirs par le fait qu’on entendait les conversations des uns et des autres, sans savoir d’où elles venaient. Parfois, il arrivait qu’une conversation engendre une bagarre avec des inconnus qui n’étaient pas concernés par ce qui s’était dit. Tant que l’on parlait entre nous, la soirée se passait plutôt bien. Mais dès que la conversation s’arrêtait, les bribes échangés entre d’autres groupes venait troubler la quiétude et rompait l’unité de la table. Je t’attendais, je t’espérais, je me désespérais. Je ne parlais pas et me contentais d’écouter mes deux amis raconter la course mécanique du week-end précédent. Soudain, j’entendis parler de toi. J’avais beau regarder, je ne vis pas ceux qui discouraient. Je les entendais très clairement, comme s’ils étaient à côté de moi.

_ Elle sort beaucoup le soir dans les soirées où elle rencontre des hommes. Je l’ai vu un jour, dans les bras d’un grand et fort idéal masculin, sorte d’homme gominé qui ne pense qu’à ça. Elle se pelotonnait contre lui, comme une chatte, lui embrassant la poitrine. Elle semblait prête à s’exhiber devant tous, les lèvres ouvertes et l’œil fiévreux. Je n’ai pu en voir plus étant moi-même occupé.

_ Moi, je crois qu’elle ne sait pas ce qu’elle désire. Elle excite les hommes, mais va rarement au bout des choses.

_ Tu rigoles ! Je l’ai vu un jour dans la rue, pendue au bras d’un voyou, lui roulant un baveux de manière très décontractée. Je suis sûr qu’il l’emmenait chez lui ou dans une chambre de passage.

Comment avais-je deviné qu’il s’agissait de Locédia ? Je ne sais pas. Mais j’en avais une intuition aigüe, une certitude perverse. Plus rien ne serait comme avant, lorsque notre inconnaissance restait entière. Locédia, que raconte-t-on de toi ? Tu sembles devenue plus réelle, mais plus opaque aussi. Je te revoyais la première fois dans le jardin, soignant une plante grise, les cheveux en désordre, occupée à placer un pansement sur une morsure de taupe. Je ne savais pas alors que tu deviendrais mon unique préoccupation, une recherche vaine de bonheur annoncé mais jamais survenu.

_ Et lui, il attend quoi ? Pourquoi ne va-t-il pas droit au but ? Avec tous les hommes qu’elle a possédés, elle ne devrait pas lui dire non. Il n’ose pas alors qu’elle ne demande que çà.

07:05 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, amour, recherche de soi |  Imprimer