Edouard Pignon : Les plongeurs (23/02/2014)

"Au début, on ne voit rien. On voit un ensemble de choses, mais on ne voit rien, ou plutôt, on voit comme tout le monde. Ce qu'il faut, c'est une longue observation méditative, crayon en main. Et au bout d'un certain temps on s'aperçoit que les choses commencent à avoir une autre vérité. La réalité apparaît beaucoup plus vraie. Cela demande beaucoup de temps"

Quelle idée de peindre des plongeurs. Mais lorsqu’il peint, il devient plongeur, il se fond dans la vague et l’eau, se noie dans l’élément liquide et se laisse entraîner au gré des courants. Quel exercice : peindre des séries de plongeurs et de plongeons, entremêlement de formes, de volutes et de couleurs.

Soleil et mer, couché sur la plage, je suis également la lente modulation de chaque vague lorsqu’elle se retourne pour mourir sur le sable. Et ce brassage informe, cette épuisante lutte de la vague contre la terre se noie dans l’azur et le soleil.

Les plongeurs bleus (1966) :

Il se glisse dans la fraicheur terrifiante des profondeurs sous-marines. Ce plongeon en apnée le dissout. L’air devient l’eau, le liquide devient bulle. Les formes se fragmentent au gré des mouvements et lancent des éclairs blancs. Pourquoi ce sang qui se glisse dans la chair et sacrifie à ce baptême mouvementé ?

Les plongeurs rouges (1965) :

Un plongeon c’est la disparition progressive et subite du corps dans l’origine informe. Ne subsistent plus que les fuseaux et les pieds qui battent l’essence même de la vie. Mais cela peut aussi être un mouvement inversé : le corps est né, il sort de sa substance, il émerge de l’eau pour prendre pied dans l’air, puis bientôt la terre.

Les plongeurs (1960) :

Ici c’est l’étude de l’impact entre l’air et l’eau. Un instant magique où la différenciation se ressent sans analyse. Entrée dans l’inconnu des corps gorgés de soleil. Seul compte cette seconde où les doigts touchent la surface vierge et y imprime la rencontre entre les deux éléments.

Une multitude d’attitudes, de couleurs, d’impact, de dissolution. Ce n’est pas une représentation visuelle du plongeon, mais la sensation même de l’entrée dans l’eau ou du séjour dans une substance autre. La courbe des vagues suit la courbure des muscles. C’est un véritable corps à corps dans lequel pénètrent l’œil, puis la chair, puis l’esprit.

La toile me débarrasse de moi-même et me fait entrer dans la sérénité bienheureuse de l’immortalité.

 

Né dans le Pas-de Calais, à Bully les Mines, en 1905, Marles les Mines fut le pays d'enfance du peintre figuratif Edouard Pignon. Edouard Pignon était une figure singulière. Roux, il se trouvait laid. Mineur, il refusait de répondre en patois. Il voulait être écrivain et devint peintre. Peintre figuratif, il résista à la montée de l'abstraction. Homme du Nord, sa peinture a la lumière et la violence des couleurs du Midi où il vécut et fut ami de Picasso. Il est mort en 1993. (http://proussel.voila.net/pignon/pignon.htm)

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