La vocation de l’homme : Olivier Clément (07/03/2013)
La vocation de l’homme : accomplir son humanité en devenant Dieu par grâce, c’est-à-dire pleinement vivant. (Olivier Clément, Sources, les mystiques chrétiens des origines, textes et commentaires, Stock, 1982, p.71)
J’ai eu le privilège d’être élève d’Olivier Clément. Un petit homme rond, dont le visage s’éclairait dès l’instant où il entrait dans son cours. Etait-ce d’ailleurs un cours ? Non, plutôt une sorte de monologue transfigurant, d'où la poésie jaillissait en même temps que l’idée de l’homme, image de Dieu. Il se référait au texte qu’il avait préparé. Mais très vite, il abandonnait son papier et s’échauffait de sa vision du monde. L’écouter revenait à remonter aux sources de notre être. Il n’étalait aucun concept, aucune philosophie compliquée. Pour lui, la théologie n’était nullement intellectuelle, elle était respiration, naturelle et enchanteresse. Il faisait part de son expérience de la vie, de ces moments où l’être se sent autre, élevé au-dessus de la matière. C’était à travers l’évocation d’une soirée d’été, d’un matin au bord de la mer, d’un voyage à la montagne. Et il disait toute sa joie de se découvrir homme, frontière entre le visible et l’invisible, le charnel et le spirituel, dans une situation d’incarnation, comme un médiateur entre la création et le créateur (idem, p.72). Il n’était pas bel homme, mais lorsqu’il évoquait ces moments, avec poésie, son visage s’éclairait et devenait lumineux.
C’était un homme simple. Il avait été élevé dans un milieu déchristianisé, agnostique, anticlérical. Son environnement était marqué par le « paganisme et l'athéisme militant socialiste », où la mort n'est que le néant, Dieu une invention des hommes et Jésus un mythe. Adolescent et jeune homme, il fait l’expérience de l’angoisse de l’homme devant le mystère de l’existence. À l'université de Montpellier, il plonge dans l'histoire des grandes religions et des civilisations. Après son agrégation d’histoire, il se retrouve dans le maquis. Il lit, il dévore, il médite les livres de Vladimir Lossky et Paul Evokimov : « À un moment donné, Dieu est venu me chercher et je l'ai suivi. J'ai mis entre parenthèses tout ce que je savais sur les religions. Je lui ai fait confiance. » Il fut baptisé à l'âge de 30 ans.
Il m’avait reçu plusieurs fois chez lui, à Ménilmontant. Il habitait un petit appartement dans une sorte d’HLM. Nous parlions de cette grâce qui nous avait touchés, de sa vision de l’humain. Oui, il croyait au progrès, à l’évolution de l’humanité, mais pas à celui du hasard et de la nécessité, dont le moteur ne serait que purement humain et aléatoire. Il croyait à la parousie et la présence permanente du divin dans la construction de l’humanité, tout en laissant l’homme libre de ses choix. L’histoire de l’humanité était pour lui profondément liée à l’histoire de chaque homme et à ses efforts pour laisser transparaître le divin dans sa vie.
Olivier Clément était un grand homme, porteur d’espérance, un homme comme on en rencontre peu, car rares sont ceux qui osent parler de ce qui les motive intimement et savent en faire part aux autres. Il a ainsi réalisé pleinement sa vocation, en devenant vraiment vivant, à l’image et à la ressemblance du divin.
Olivier Clément (1921-2009)
Théologien laïc et historien, né le 18 novembre 1921 à Aniane (Hérault), Olivier Clément s’est converti au Christ après une longue recherche dans l'athéisme et les spiritualités asiatiques. Il est devenu l'un des témoins les plus estimés et les plus féconds de l'orthodoxie en Occident. Ayant étudié la théologie notamment sous Vladimir Lossky (1903-1958) et Paul Evdokimov (1901-1970), il devient un des pionniers et colonnes du renouveau théologique orthodoxe du XXe siècle. Agrégé d'histoire, il a longtemps enseigné au lycée Louis-le-Grand à Paris. Professeur à l'Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, il est l'un des fondateurs de la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale. Auteur fécond et apprécié, il a publié une trentaine d'ouvrages et une centaine d’articles consacrés à l'histoire, la théologie, la spiritualité et la vie de l'Église orthodoxe, et à la rencontre de l'orthodoxie avec le christianisme occidental, les religions non-chrétiennes et la modernité. Pendant plusieurs décennies, il a été secrétaire de rédaction de Contacts, Revue française de théologie et de spiritualité orthodoxe. Il reçut plusieurs distinctions honorifiques, dont : Docteur honoris causa de l'université de Louvain-la-Neuve (Belgique), de la Faculté de théologie orthodoxe de Bucarest (Roumanie) et de l'Université catholique Sacred Heart du Connecticut (États-Unis). Père de famille et grand-père, il est décédé à Paris le 15 janvier 2009.
From:
Pages orthodoxes La Transfiguration http://www.pagesorthodoxes.net/index.htm#index
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