Journal d’hirondelle, d’Amélie Nothomb (28/07/2012)
Amélie Nothomb est imprévisible, et une fois de plus, elle surprend. L’avant-dernier paragraphe du livre nous dit qu’il s’agit d’une « histoire d’amour dont les épisodes ont été mélangés par un fou. », mais cela ne correspond pas à ce qui y est abordé. J’avoue que je n’ai pas aimé cette histoire abracadabrantesque d’un narrateur qui devient tueur à gages en écoutant un album de Radiohead, tout cela suite à un pseudo chagrin d’amour.
Certes elle reste toujours aussi acerbe, inventive de bons mots.
Tirer à deux reprises dans la tête était la règle. Le crâne, parce qu’il valait mieux détruire la centrale. Dans l’immense majorité des cas, la première balle tuait. La deuxième, c’était par sûreté. Ainsi, il n’y a avait pas de rescapé. (…) Pour ma part, je bénissais cette loi du deuxième coup, qui redoublait ma jouissance. En appuyant sur la détente une seconde fois, je m’aperçus même que celle-ci était meilleure : la première sentait encore son huile de doigt.
Mais tout ceci ne fait pas une histoire qui émeut, une histoire qui nous parle. Les dialogues restent, mais l’ambiance décourage. Quel intérêt porter aux meurtres d’un tueur qui lui-même s’ennuie à tirer dans la tête de quidam qu’il ne connait pas. Il se dit insensible, mais à quoi ? L’auteur nous met en présence d’un sadomasochiste et cherche à nous passionner sur ses aventures qui se terminent en arroseur arrosé.
Tout cela confirme ma métaphysique : le corps n’est pas mauvais, c’est l’âme qui l’est. Le corps c’est le sang : c’est pur. L’âme c’est la cervelle : c’est de la graisse. C’est le gras du cerveau qui a inventé le mal. Mon métier consistait à faire le mal. Si j’y parvenais avec tant de désinvolture, c’est parce que je n’avais plus de corps pour entraver mon esprit. Du corps, je n’avais que la minuscule prothèse de perceptions nouvelles découvertes à la faveur des meurtres. La souffrance n’y était pas encore apparue : mes sensations n’avaient aucune notion de morale.
La fin du livre est à la hauteur de son déroulement, le narrateur, qui est le tueur à gages, meurt de constipation. Mourir de constipation est une chose difficile à comprendre. L’esprit humain, qui se représente facilement le trépas diarrhéique, est incapable de concevoir l’inverse. Je me console en pensant que je saurai bientôt en quoi cela consiste. J’ai accompli mon acte d’amour : j’ai mangé les écrits d’Hirondelle. (Je ne dévoile pas de qui il s’agit, sinon le livre n’aurait plus lieu d’être lu).
Bref, ce n’est pas digne d’Amélie Nothomb qui nous a donné bien meilleur.
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