Soir antique, d’Alphonse Osbert, 1908, huile sur toile (22/11/2011)

 

Comme au travers d’une fenêtre, assis tranquillement dans son salon, le visiteur contemple le coucher de soleil sur l’océan, tel le capitaine Nemo ayant fait surface avec son Nautilus. Et le spectacle en vaut la peine. Quatre naïades alanguies contemplant un coucher de soleil, sans un mot, extasiées par la luminosité étrange d’un couchant d’or sur une eau calme. C’est une sorte de trêve, quasiment enlacées deux à deux, les jeunes femmes sont sans visage ou presque, et regardent, épanchées, un ciel limpide qui se reflète dans les eaux tout juste ridées par une brise très légère.

 

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La beauté du tableau, qui se trouve au musée du Petit Palais à Paris et qui est emprunt malgré tout de romantisme exacerbé, tient à la luminosité des couleurs du ciel, de la mer et des robes dont les plis reprennent le cheminement des vaguelettes, principalement pour celle qui se tient accoudée aux genoux de la femme assise. Et cette robe bleu pâle, presque blanche, constitue un prolongement visuel des derniers tremblements des vagues, comme si elle allait se fondre dans l’eau lorsqu’elle s’endormirait. C’est pourquoi elle se tient éveillée auprès de l’autre, peut-être échangeant parfois quelques phrases inutiles, mais qui permettent de ne pas se laisser aller à une somnolence coupable.

 

 Les deux autres femmes, élancées, regardent, indolentes, le disque d’or disparaître à l’horizon, vêtues également de robes antiques, mais dont la couleur se fait sombre parce que plus éloignée des derniers rayons.

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Certes, le sujet peut sembler désuet et peu réaliste, mais c’est le propre du symbolisme. Souvenez-vous du tableau de Maurice Denis, Jeu de volant, peint en 1900 (voir 21 mai 2011 dans Impressions picturales) : un tableau « beau, d’une beauté artificielle certes, mais ensorceleuse, apportant une atmosphère propre, mystérieuse, non dénouée d’émotion, mais malgré tout intemporelle, comme figée dans sa beauté formelle ». Tel est également le cas de ce « Soir antique ».

 

Le symbolisme a été un mouvement littéraire, lancé par le poète russe Valéry Brioussov. Pour ce mouvement, qui s’est ensuite étendu à de nombreux arts, le monde reste un mystère et la beauté artistique tient à la capacité de décrire le monde réel en utilisant des représentations métaphoriques. La nature se perçoit par les sens qui procure des impressions qui, seules, font apparaître son identité spirituelle. C’est pourquoi la peinture, avec Gustave Moreau, Kupka, Lucien Lévy-Dhumer (voir le 26 mai), le groupe des Nabis, et la musique avec Debussy, Erik Satie (voir Gnossienne n°3, le 25 mai), évoquent une nature traitée par l’esthétisme, voire emprunt d’un mysticisme réel.

Oui, même si ce tableau apparaît démodé, trop distant, il possède une beauté de l’âme que lui donne le traitement de la lumière qui éclaire non seulement la vision, mais également l’intérieur de l’être, suggérant un autre monde derrière la sécheresse de la réalité, même offerte sous ses meilleures couleurs comme c’est le cas ici.

 

 

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