Antechrista, roman d’Amélie Nothomb (09/11/2011)
Le premier jour, je la vis sourire. Aussitôt, je voulus la connaître… Une semaine plus tard, ses yeux se posèrent sur moi… Le lendemain, elle vint vers moi et me dit bonjour…
Ainsi s’installe tranquillement Christa dans la vie de la narratrice, laquelle est timide, sans amie, mal à l’aise dès qu’il s’agit d’aborder quelqu’un. Très vite, elle invite Christa à venir coucher chez elle parce que celle-ci habite très loin. Dès l’entrée dans l’appartement, Christa devient dominatrice et humiliante. Après s’être mise nue pour essayer une robe, elle contraint l’auteur, Blanche, à faire la même chose : J’avais seize ans. Je ne possédais rien, ni biens matériels ni confort spirituel. Je n’avais pas d’ami, pas d’amour, je n’avais rien vécu. Je n’avais pas d’idée, je n’étais pas sûre d’avoir une âme. Mon corps, c’était tout ce que j’avais. Elle finit par passer la robe ce qui fait dire à Christa : Elle me va mieux qu’à toi. Puis elle compare leur corps, cache le tee-shirt de Blanche qui doit courir après pour le récupérer. Sa mère entre alors : transformation de Christa, son rire, de démoniaque, devint la fraicheur même, une franche hilarité, saine comme son corps. Ma mère, stupéfaite, regardait cette adolescente nue qui lui serrait la main sans aucune gêne… Et je voyais que celle-ci, sans penser à mal, voyait le beau corps plein de vie de la jeune fille – et je savais que, déjà, elle se demandait pourquoi le mien était moins bien. Christa, en une soirée, séduit le père et la mère de Blanche, les tutoie et les appelle par leur prénom.
Le lendemain, ma mère déclara : Ta Christa est une trouvaille ! Elle est incroyable, drôle, spirituelle, pleine de vie… Mon père lui emboîta le pas : Et quelle maturité ! Quel courage ! Quelle intelligence ! Quel sens des relations humaines !
Ainsi est planté le décor qui permet à la perverse Christa de s’introduire dans la vie de Blanche jusqu’à devenir la fille chérie de ses parents : elle dort dans son lit, l’emmène dans des soirées étudiantes où elle lui fait connaître le flirt, s’impose comme la meilleur en tout et fait tout pour ridiculiser Blanche qui n’ose rien dire devant ses parents subjugués par cette jeune fille exquise. Mais celle-ci va trop loin. Elle provoque Blanche : Pourquoi tes parents parlent-ils tant pendant ces diners ? C’est à peine si je peux en placer une. Déjà qu’ils se servent de moi pour se rendre intéressants !
Blanche découvre toute l’ignominie de Christa, ou plutôt d’Antechrista, comme elle l’a surnommée. Celle-ci n’aimait qu’elle. Elle s’aimait avec une rare sincérité. L’amour était pour Antéchrista un phénomène purement réflexif : une flèche partant de soi en direction de soi. Il lui fallait maintenant ouvrir les yeux de ses parents. Elle part en voyage à Malmédy, lieu où habite Christa et découvre qu’elle lui a menti sur ses conditions de vie. Elle prend des photos, les montre à ses parents et très vite sa mère comprend. Son père téléphone au père de Christa et comprend également que celle-ci ne vit que par et pour le mensonge. Le lendemain, Christa joue l’offensée et part en claquant la porte.
Je ne raconterai pas la fin, car elle constitue une surprise de la part de Blanche, sa revanche. Cependant, dans la dernière page, c’est encore Christa qui a le dessus, de manière indirecte.
Antechrista est le roman de la lutte entre l’intériorité et l’apparence : d’une part, l’intériorité silencieuse et timide, n’osant dévoiler sa vérité, et, d’autre part, l’apparence avec ses mensonges, ses changements d’attitude où tout est conçu pour plaire, même en trompant. C’est sans doute le combat actuel qui se déroule dans les médias, quels qu’ils soient. Dans le roman, le combat est individuel et intimiste. Dans la vie médiatique, le combat est collectif et clamé par les tenants de l’information. Mieux vaut une information quelle qu’elle soit que pas d’information. Le monde pourra-t-il tenir longtemps ce mensonge permanent ?
08:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman | Imprimer