Palais Royal (07/04/2011)

 

Brouhaha habituel des jardins publics : cris d’enfants, conversations d’adultes, raclement des pieds ferrés des chaises sur le sol, titillements sonores des jets d’eau du bassin qui se meuvent en corolles blanches de différentes hauteurs, foisonnement de couleurs et de sons qui donnent l’ambiance insolite de ce jardin enserré entre les galeries du palais édifié pour le cardinal de Richelieu, qui devint ensuite résidence royale puis lieu d’agitation révolutionnaire, pour, après un nouvel intermède royal, recevoir le Conseil d’Etat.

 

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Passage le long des galeries, où un magasin de gants fait étalage de sa marchandise diversifiée, mains mortes pendant dans le vide ou mains dressées comme un sceptre héraldique. 

 

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Les promeneurs passent à pas lents, concentrés sur leurs chaussures, faisant crisser le gravier à chaque nouvelle enjambée. Ils errent sans but, avec pour seul plaisir un regard au soleil qui passe près des toits. Certains discutent entre eux, calmement, posément, comme un club d’intellectuels sur une question épineuse. Chacun passe à côté du bouquet fleuri éclairé par le soleil de printemps.

 

 

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Assis en rond autour de la fontaine, les uns et les autres vaquent à leurs occupations. L’un, lunettes noires couvrantes, les pieds sur la margelle du bassin, téléphone d’un air entendu à un mystérieux correspondant. L’autre lit, dans la même position, un foulard autour du cou, lunettes noires également, la chevelure abondante obscurcissant son visage. En fait, je le découvre avec un temps de retard, c’est une femme. Je l’ai perçu à son geste, féminin malgré tout, bien qu’elle porte la tenue unisexe, blue-jean et tennis. Un autre encore, un homme, c’est certain, toujours dans la même pose, les pieds sur la margelle, jambes tendus, à moitié allongé sur sa chaise, les mains croisées sur le ventre, semble dormir. Il écoute de la musique, ouvrant parfois un œil, peut-être même les deux, les rayons du soleil luisant sur son crâne rasé. Quatre jeunes filles installent leurs chaises à proximité, en uniforme, collants noirs et tennis rouges, le haut leur laissant l’initiative de l’improvisé, chacune d’elles sirotant une boite d’aluminium contenant un jus de citron plus jaune que la normale.

 

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Jeu de reflets de la fontaine dans le rayonnement du soleil, l’eau montant et descendant au gré d’un ordonnateur invisible, s’égrainant à mi-hauteur en mille perles étincelantes avant de retomber sous le poids de la pesanteur. Au pied de ces jets d’eau, la surface bleuissant du bassin se pare de mousse argentée piquetée d’éclaboussures semblant sortir de sa profondeur comme la lave à la surface d’un volcan laisse éclater des bulles de gaz dans lesquelles se noie le regard. Le reste du bassin, par le jeu de la bise et du soleil, est couvert de nénuphars virtuels, bleus clairs, presque gris, flottant sur l’eau et scintillant de légèreté. Le vent parfois projette quelques gouttelettes sur la margelle, jusqu’à couvrir le visage d’une très légère brume qui rafraichit les idées et ramène à la réalité.

 

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Immuable, rien ne bouge autour du bassin, comme immobilisé dans une béatitude intemporelle. Si, cependant ! La femme unisexe s’est métamorphosée en une autre femme ou jeune fille, également unisexe, mais chaussée de boots montant aux lacets jaunes. Même attitude, même foulard enserrant le cou, juste les cheveux moins proliférants, mais lisant également un livre semblable posée sur ses cuisses allongées.

 

Lentement le soleil descend, rase une première cheminée, puis une deuxième, pour progressivement s’éteindre derrière le toit plat. Il est l’heure de quitter ce moment d’observation et de vagabondage de l’esprit. A regret, je me lève et pars, sans un regard sur le collier de perles du bassin.

 

 

06:28 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : promenade, jets d'eau, impression |  Imprimer