L'homme sans ombre (30) (27/10/2017)
– Nous comprenons maintenant ce qui nous a tant intrigués dans ta manière d’être et ce qui m’a séduite. Mais pourquoi ne jamais m’en avoir parlé ?
– Tout simplement parce que lorsque, après avoir satisfait à l’ensemble des épreuves, je fus nommé responsable du monastère, j’eus alors une crise psychologique, due probablement à l’excès de méditation au cours de la dernière année. J’ai eu une vision qui m’a conduite en France avec une partie de mes fidèles et j’ai fondé six mois plus tard le monastère que tu connais maintenant, Lauranne. L’autre partie des moines est restée en Inde, près du Tibet. Ce fut une période difficile, tendue, orageuse, qui m’apporta beaucoup de soucis et peu de bienfaits bien que je sentais en moi l’irrésistible nécessité de ce voyage. Puis je connus Noémie. Ce fut le coup de foudre. Je sentais que je pouvais réaliser la fusion entre le monde oriental et le monde occidental grâce à ce mariage. Non, ce n’était pas le fruit d’une réflexion intellectuelle, mais quelque chose de plus profond, de plus ancré en moi, comme une résurgence d’un ailleurs qui s’imposait à moi.
– Mais c’est complètement contraire à la tradition bouddhiste ! s’exclame Noémie. Les moines doivent s’abstenir de toute relation sexuelle.
– Oui, c’est vrai. Néanmoins je ne suis pas le premier à prétendre et à mettre en pratique ce statut inusité dans le bouddhisme. Ainsi Son Éminence le Sakyong Mipham Rinpoché a étudié avec les plus grands maîtres tels que Sa Sainteté Dilgo Khyentsé Rinpoché, maître de Sa Sainteté Le Dalaï-Lama, et avec Sa Sainteté Penor Rinpoché, l’actuel détenteur de la lignée Kagyü. Il est cependant devenu un véritable Occidental. Il est poète, artiste, cavalier, marathonien, tireur à l’arc. Il s’est marié à Tseyang Palmo, fille de Namkha Drimed Rabjam Rinpoche, détenteur de la lignée Ripa. Avant lui, Chögyam Trungpa Rinpoché est l’un des premiers Lamas à avoir introduit le Bouddhisme tibétain en Occident. En 1959, il fuit le Tibet vers le nord de l’Inde, en traversant l’Himalaya accompagné de 300 personnes. Comme le Dalaï-Lama et de nombreux maîtres tibétains en exil, il continue à enseigner et transmettre la sagesse du dharma. Dans les années 70, après avoir quitté sa robe de moine, il se marie à une jeune Anglaise. Il devient en Occident l’un des maîtres et artistes bouddhistes les plus reconnus, notamment pour avoir compris et réuni avec succès et authenticité la sagesse des cultures orientales et occidentales.
– si je comprends bien, dit Lauranne, on pourrait distinguer d’une part les relations sexuelles et d’autre part le mariage !
– Cela, je ne sais, rétorqua Mathis. C’est possible. Mais je doute cependant que cette distinction tienne au cours de la première année du mariage. Quoi qu’on dise, le mariage et l’amour humain en général ont pour aiguillon des relations physiques qui ne peuvent être purement platoniques. Je pense que tout être normalement constitué y pense et le rêve avec son ou sa fiancé(e). N’est-ce pas Noémie ?
– Je ne dirai pas le contraire ou alors tu ne me croirais pas.
– D’ailleurs, les rimpoché qui se sont mariés eurent des enfants dont certains d’ailleurs ont pris leur succession comme ce fut le cas pour Chögyam Trungpa Rinpoché, même si ces pratiques semblaient non conformes à la tradition de nombreux Tibétains.
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