Le noir et… le noir (09/02/2012)

 

Il est certain que la plupart d’entre vous ont remarqué cette mode étrange : le noir envahit notre univers. Mettre un vêtement de couleur est d’une inélégance insurmontable. Quel manque d’esthétisme !

Les rues sont pleines de ces insectes noirs qui grouillent avec rapacité. Manteaux, anoraks, doudounes, robes, costumes, chaussures, gants, noirs comme la cendre délavée par la pluie. Ce ne sont pas ces magnifiques noirs laqués du Japon, ou encore les noirs pâteux de Soulage, étalés avec élégance. Non, ces noirs sont ternes et cela se lit dans les yeux de ceux qui les portent. Et si vous poursuivez vos investigations de manière plus intimiste, vous constatez que leurs dessous sont également noirs, homme et femme confondus. Certes, le noir ressort sur la blancheur des corps, surtout à cette époque. Mais cet équilibre précaire du noir et du blanc reste trop domestique pour être évoqué comme une alternative crédible. Même George Clooney s’est mis au petit noir de Nespresso !

Au petit matin lorsqu’encore au radar vous entrez dans le métro, ils sont là, tous, en noir, le visage inexpressif, lisant vaguement ces journaux distribués gratuitement, pleins de publicités de couleurs. Pourtant, n’en veut-on pas aux curés et aux bonnes sœurs d’un comportement semblable à leurs concitoyens : tout et tous de noir vêtu(s). Vous vous rappelez le métro de Rome, bruyant des conversations et des rires. Ici, personne ne regarde personne. Les yeux dans le vague, dans des pensées sans vie, tous ces voyageurs sont en deuil.

Le dernier engouement de décoration d’intérieur est bien sûr le noir, avec certes du blanc, mais celui-ci n’est là que pour mettre en valeur le noir omniprésent. On se prélasse dans des canapés noirs, on déjeune sur des tables noires, on s’éclaire de lampes noires, tous les objets sont noirs, seuls les murs sont blancs, mais c’est pour mieux voir le noir. Effectivement si tout était noir, il n’y aurait rien. Quel manque de considération que de vivre dans le rien et de se heurter à des objets invisibles. Le noir doit se voir, se palper, se sentir. Que sent-il ? Une atonie permanente, un ras-le-bol de la vie, des odeurs tristes, affadies, délibérément mornes. Ce n’est pas d’un manque de sel dont souffrent nos plats, c’est d’un manque de couleurs dans les têtes si bien faites de nos stylistes contemporains, qu’ils soient décorateurs d’intérieur, créateurs de mode ou même auteurs de roman noir.

Et pourtant, il y a encore des blondes. Mais que viennent-elles faire dans cette galère !

 

 

07:26 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, mode, culture |  Imprimer