Dissociation (12/04/2022)

Rien que le lent et cotonneux éclat du soleil vers lequel je tends le visage. Au travers des paupières, je sens dans la couche rouge de Chine, la chaleur de son disque et la fraîcheur du petit vent d’hiver qui agite les herbes. Je suis assis derrière la butte d’un ancien chemin creux auprès des jeunes pousses du début du printemps et de quelques jonquilles qui se dressent fièrement. Pas un bruit, sinon celui de ce vent qui court sur la terre et fait bruisser les branches. Un calme profond s’étend et envahit progressivement l’être.

Peu à peu, les idées s’arrêtent devant cette magnifique solitude, comme si j’avais passé le bras, puis le corps tout entier au travers de ce voile rouge pour, par un hasard extraordinaire, regarder, de loin, d’un œil indifférent, cette vie qui souffle et va-et-vient dans laquelle j’ai l’habitude vaquer. Dans la chaleur du corps et du cœur, je suis, seul, devant une nature immobile et je descends au plus profond de mon être, là où il n’y a nulle pensée, nul sentiment, mais seulement des sensations, des impressions, des titillements du corps qui résonnent en moi et me font vivre intensément. Rien n’est plus immortel que cette minute.

Et déjà, je ressens dans mes jambes qui soutiennent le poids de mon corps à demi-couché sur la butte d’indélicats picotements qui m’obligent à me lever et remuer une partie de l’être qui n’arrive pas à jouir des sensations de l’autre partie.

 

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