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03/06/2018

Les approches culturelles du temps (4)

1. Trois conceptions du temps

* Le temps sinusoïdal

La première représentation du temps connue est celle produite par les Mésopotamiens. Cette conception est proche de celle du temps cyclique, à la différence que les « cercles » du cycle ne sont pas fermés. Les cycles se succèdent dans le temps, et parfois même, se chevauchent, car un cycle peut commencer avant la fin du précédent. Ce n’est donc pas exactement un nouveau monde qui se crée à la fin d’un cycle.

* Le temps cyclique

Il est immédiatement perceptible aux sens. C’est le temps biologique qui est lié au temps astronomique. Il se découpe en :

  • Jour-nuit ;
  • Saison ;
  • Age de la vie ;
  • Cycle de vie selon les espèces ;
  • Cycle de vie des cultures et des civilisations ;
  • Cycle de vie des planètes.L’homme ne peut qu’harmoniser son action dans ces cycles pour la rendre plus efficace.

La conception du temps cyclique impose souvent de penser le temps très long, souvent en lien avec des mythes. La plus ancienne des conceptions cycliques, celle des Védas (et dont héritèrent par la suite le brahmanisme, l’hindouisme et le bouddhisme) fonctionne ainsi sur les cycles de 12 000 ans. Mais cette conception d’un temps cyclique se retrouve aussi à l’échelle de l’homme, lequel serait condamné à se réincarner (ou à transmigrer d’une façon plus générale).

La cyclologie se retrouve dans nombre de sociétés archaïques, voire plus modernes. Dans cette théorie du temps cyclique, l'écoulement du temps n'est pas linéaire. L’histoire est conçue en cycles immuables pour ramener l’humanité face aux mêmes situations. La durée de ces cycles varie selon les traditions. La philosophie holiste dérive plus ou moins de la cyclologie. Elle explique les parties à partir du tout et devient synonyme d’approche systémique, de pensée complexe, et, de manière dérivée, d’approche globale. C’est un système de pensée pour lequel les caractéristiques d'un être ou d'un ensemble ne peuvent être connues que lorsqu'on le considère et l'appréhende dans son ensemble, dans sa totalité, et non pas quand on en étudie chaque partie séparément.

* Le temps linéaire

Le christianisme a véhiculé une conception linéaire du temps, qui va de la Création à l’Apocalypse. Avant la Création, le temps n’existe pas : Dieu crée le temps pour l’usage de l’homme. Le temps est à la fois linéaire et fini, et l’histoire se dirige vers une fin, ou au moins, une finalité. Cette conception du temps finira par l’imposer, au moins de ne même plus prêter à discussion. Elle sera ainsi reprise par des penseurs aussi divers que Condorcet (idée d’un avènement de la raison), Hegel (avènement de l’Etat comme manifestation suprême de l’Esprit et idée d’un progrès de l’Histoire), Marx (progrès à travers la lutte des classes et avancée vers la suppression des classes).

Cette conception du temps s’est accompagnée d’une vive dépréciation du « temps cyclique », considéré comme archaïque, anti-scientifique, opposé au progrès et politiquement réactionnaire.

2. Le temps calendaire et mathématique

Le temps calendaire est mesuré par division : siècle, décennie, année, mois, semaine, jour, heure, minute, seconde, nanoseconde. Les disciplines diverses se réfèrent généralement  à l’une de ces mesures, avec des visions cycliques différentes qu’il appartient au politique et à toute autorité d’homogénéiser.

Cette division du temps en unités d’égales valeurs remonte aux origines de l’histoire de l’humanité. Ainsi, les premières civilisations connues de Mésopotamie utilisaient-elles un calendrier de type luni-solaire de 12 mois et des semaines de 7 jours pour marquer le décompte de la durée, comme son étymologie l’indique (« calendrier » est issu du latin calendarium, « livre de compte »). Dans toutes les civilisations, la mesure du temps se base sur des phénomènes naturels observables : la lune (calendriers lunaires), le soleil (calendriers solaires) ou une combinaison des deux (calendriers luni-solaires).

Le temps calendaire n’est incompatible avec aucune des représentations du temps évoquée plus haut (cyclique, linéaire et sinusoïdal) : il est cyclique au départ puisqu’il se base sur les cycles de la nature (cycles solaires et lunaires), il est aussi linéaire dans le comptage des années, et il peut même être sinusoïdal lorsqu’il doit être aménagé pour mettre en adéquation les cycles solaires et lunaires (rajout d’un jour tous les quatre ans dans notre société, d’un mois tous les trois ans environ en Mésopotamie et en Chine).

De ces décomptes du temps naissent la conception mathématique du temps, conception défendue par Newton. Il envisage le temps comme un absolu mathématique, homogène, indépendant et linéaire. Aristote se demandait déjà si le temps dépendait de la conscience humaine ou s’il était indépendant. Le mouvement des choses, qui marque leur changement et leur corruption, est la preuve de l’écoulement du temps même en l’absence d’une conscience humaine pour l’observer.

3.  Le temps comme intuition et durée

Pour Bergson, cette conception mathématique qui découpe le temps en séquences identiques et séparées les unes des autres, est une conception strictement quantitative qui est trop limitée.

La perception du temps n’est en effet pas une évidence. Par exemple, si la plupart des civilisations se représentent l’avenir devant eux et le passé derrière, c’est l’inverse pour les Mésopotamiens comme pour certaines populations d’Amérique Latine (Aymaras en Bolivie, Quechuas) ou les Polynésiens. En effet, pour les premiers, la perception du temps à l’aulne de l’espace transparait à travers l’usage des adverbes ou prépositions : devant et avant sont liés, de même que derrière et après. Quand vous êtes devant quelqu’un, il est avant vous, quand vous êtes derrière quelqu’un, il est après vous. L’avenir étant après vous, il est derrière vous. L’alignement des notions d’espace et de temps est inversé. La manière de parcourir le connu et l’inconnu diffère donc grandement, puisque dans cette conception, on tourne le dos à l’avenir, parce qu’on sait le passé et qu’on peut le voir, alors qu’il est beaucoup plus difficile de concevoir et de visualiser l’avenir.

Il n’empêche, dans toutes les civilisations, le temps reste orienté, allant du passé vers le futur.