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25/10/2016

Nouvelles vénitiennes, de Dominique Paravel

Venise, la sérénissime, racontée dans sept nouvelles. Eh bien, non. Venise ne peut être racontée. On ne peut qu’en deviner le mystère, sans jamais le saisir dans sa totalité. De même se demande-t-on, s’agit-il réellement de nouvelles ? Elles ne possèdent pas cette chute indispensable au genre. Elles ouvrent sur la brume, la mer, les ruelles et les ponts. Les personnages aussi sont réels, mais emplis du mystère de l’être englué dans un décor impossible qui le fait dériver et se débattre sans conclusion.

Véronica est engluée au fond de la lagune, dans la cale du temps. La chaleur de l’été est là, tenace, épaisse, les canaux puent la vase, les corps suent grassement.  Dans le quartier de San Giovanni Crisostomo, un lacis de ruelles derrière le Rialto, les habitants se tournent et se retournent sur les lits, étouffés par l’air humide, enragés d’insomnie.

Dans ces récits, la ville et ses habitants se confondent, pleins de fierté sauvage, de pulsions mortelles, de désirs bruts. Le dernier récit, Mondo Novo, donne le sens de l’ensemble du recueil. Un photographe cherche une Venise secrète, mais Venise ne cache rien, elle se laisse pénétrer dans ses recoins les plus secrets comme si elle y attendait depuis toujours l’intrus, docile et absente, une prison d’images vues et revues

Les façades de marbre blanc
La brume bleutée
Le grain friable des briques rouges
Les reflets au fond des canaux
Les ruelles tortueuses
La mosaïque mouvante de pierre, d’eau  et d’hommes
Découvrir ce qui est caché dans l’image, ce qui la hante, est impossible.

Vous l’avez trouvée ? demande Viola au photographe.

Non, il n’a rien trouvé, il n’y a pas d’autre Venise. Venise n’est qu’une illusion. Elle l’écoutait avec patience, comme si elle était prête à lui donner tout le temps dont il avait besoin sans le savoir. Puis elle s’est penchée vers lui.

– Venise est une utopie nécessaire du monde. Vous pensez qu’on peut photographier ça ?

Le mouvement de ses seins dans l’échancrure du pull-over noir, sa voix profonde, son regard pénétrant, il hésitait entre le désir et le désarroi.

– Qu’est-ce que vous voulez dire ?

– Un lieu invisible, à l’intérieur du monde et de nous-mêmes. Un lieu impossible qui les contient tous.